Rien de tel qu’un regard sur le passé pour mieux préparer l’avenir. C’est ce que nous avons tenté en rappelant les propos de Jean Rostand, puis de Jean-Marie Pelt. Un autre pionnier dans le domaine de l’environnement mériterait aussi d’être relu, c’est Philippe Saint-Marc et en particulier son ouvrage « Socialisation de la nature ». Né en 1927 à Paris, Philippe Saint-Marc a eu une formation large, il est docteur en droit puis major de sa promotion à l’ENA (1950-52). Durant les années 1950-60 il mène une carrière classique de haut-fonctionnaire, à la Cour des Comptes puis à l’administration chargée des rapatriés d’Algérie. Il rappelle lui-même qu’il a été militant politique avant « d’entrer en écologie ». C’est au Mouvement Républicain Populaire qu’il trouve une philosophie spiritualiste et chrétienne, et… se lie d’amitié avec Jean-Marie Pelt. En 1965, il est nommé chargé de mission à la DATAR (Délégation Interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) et c’est là que s’affirme son intérêt pour l’écologie et la défense de la nature.
En 1972, il publie son célèbre ouvrage « Socialisation de la nature » chez Stock dans lequel il s’attache à remonter la chaine des causalités pour comprendre la crise écologique en dépassant la défense ponctuelle d’un site ou la protection d’une espèce particulière. Philippe Saint-Marc préconise une autre politique de développement, inspirée par « l’humanisme écologique ». Selon lui, la recherche du bien-être physique et spirituel de l’homme doit être le fondement de la société et passe par une nouvelle relation de l’homme à son environnement, qu’il se doit de sauvegarder. Il se définissait lui-même comme énarque marginal !
Pour notre part nous avons eu le plaisir et l’honneur de faire venir Philippe Saint-Marc et Jean-Marie Pelt à Rouen en 1987, dans le cadre du forum « L'environnement : un enjeu européen pour la Haute Normandie », que nous organisions entre l’Observatoire régional de l’environnement et le journal Paris-Normandie.
D’emblée, « l’énarque marginal » pose le principe central de sa réflexion :
Comme le profit dans notre système économique conduit inéluctablement à l’appropriation et à la dégradation du milieu naturel, il faut enlever au profit son rôle dominant en provoquant une prise de conscience collective et en mobilisant ensuite l’opinion publique, ainsi éclairée, en un immense réseau de pression démocratique vis-à-vis de tous les pouvoirs, à quelque niveau qu’ils se trouvent et sous quelque forme qu’ils s’exercent.
Voilà 45 ans que ces paroles ont été écrites… Il semble qu’il y ait encore un peu de chemin à parcourir pour entendre les politiques se référer à ce même principe de base !