L’accident grave survenu à l’usine Lubrizol de Rouen le 26 septembre 2019 a généré une situation qui pose de nombreuses questions quant à la gestion de crise, la culture du risque et les suites à donner.
La gestion de crise :
Certes, la communication de crise n’a pas été du tout à la hauteur de l’évènement, c’est le moins que l’on puisse dire… La catastrophe fut plutôt la communication que l’incendie lui-même ! Cet amateurisme a généré de nombreuses questions, restées sans réponse ou avec des approximations et sans aucune pédagogie. Le doute fait naître la peur et mène à la psychose, et ce fut le cas… A ce stade, personne ne maîtrise plus la situation et on a entendu n’importe quoi, entre le censé et le stupide, avec qui plus est des commentaires totalement fantaisistes et pire encore des insultes pour les industriels, les élus, les services de l’Etat, en dehors de toute connaissance basique du fonctionnement de notre société… Les médias se sont régalés et quelques opportunistes se sont léchés les babines avec des élections prometteuses en vue… Les mesures prises ensuite, bien qu’opportunes, n’ont pas convaincu.
Bien sûr la critique est aisée, mais a minima, il aurait tout de même fallu rappeler quelques notions de base afin de recadrer l’évènement dans son contexte historique. Même si l’urgence était, bien sûr, la protection des populations, que ce soit sur le plan sanitaire ou psychologique, il aurait été utile de rappeler d’où viennent les Rouennais, l’évolution de cette ville industrielle et de la vallée de la Seine. Certes l’histoire est vite oubliée, mais elle peut aider à relativiser les choses, sans pour autant minimiser le drame du moment.
C’est dès le 17ème siècle que l’industrie s’installe en vallée de la Seine, en particulier autour de Rouen, avec l’utilisation de produits très nocifs, des explosions de poudrières ou des incendies d’usines textiles. Mais c’est seulement à partir des années 1960 que « les fumées noires, jaunes ou rousses, les mauvaises odeurs furent considérées comme des pollutions affectant environnement et santé » (J. Chaïb).
Lors de l’accident Lubrizol, la polémique a été permanente quant aux informations relatives à la toxicité des produits. La situation était particulière, mais pour autant, on ne peut pas dire que « l’on nous cache tout »… L’information générale sur les pollutions diverses est bien connue par le centre documentaire de l’Agence régionale de l’environnement, qui existe sous différentes formes depuis 1978… (inauguration par Jean Lecanuet, maire de Rouen et Jean Dorst, directeur du Museum de Paris) et la pollution de l’air particulièrement par ATMO Normandie, qui sous différentes formes encore, existe depuis 1973… ! On ne peut pas indéfiniment répéter que tout est truqué, et il faut se souvenir qu’est bien informé qui veut l’être !
Il aurait été utile aussi de rappeler que cette vallée industrielle de la Seine, si elle ne date pas d’hier, préoccupe depuis longtemps et a considérablement évolué en termes de risques et de gestion de ceux-ci. La toxicité des produits émis par Lubrizol a beaucoup fait parler, mais là encore sans relativiser avec d’autres circonstances. Ainsi faut-il rappeler encore la pollution résultant des pesticides dont les conséquences sur la santé sont connues et sans doute bien plus importantes. Les premières études de la MSA (Mutualité sociale agricole) concluent qu’en France on constate entre 100 et 200 intoxications aiguës par an imputées aux pesticides.
Faut-il rappeler aussi que si la pollution de l’air, à Rouen pour ce qui nous concerne ici, reste une préoccupation, on oublie vite que l’intérieur de notre voiture est souvent plus pollué que l’air extérieur et plus encore que les pollutions intérieures à la maison (en particulier dans notre salle de bain) sont bien plus redoutables que celles de dehors. On ne parlera pas des manifestations pendant lesquelles, assez systématiquement, sont brûlés des pneus…
Quant à la cigarette… On compte de l’ordre de 4 000 substances différentes dans la fumée du tabac, dont des cancérigènes majeurs, de la dioxine, du plomb, mercure, ammoniac et même cyanure ! Dans le monde il y a de l’ordre d’un milliard de fumeurs, dont 15 millions en France, qui fument 12 à 15 cigarettes par jour et… rejettent leur fumée dans l’atmosphère. C’est ainsi que 90 % des cancers du poumon sont dus au tabac, cause de 73 000 morts prématurées par an en France.
A suivre : La culture du risque, Les suites à donner.