Et revoilà la question du contournement est de Rouen dans l’actualité. C’est le 16 novembre 2017 qu’a été publié le décret de déclaration d’utilité publique des futures autoroutes A133 et A134 afin d’assurer la liaison entre les A28 et A13 par l’est de la métropole Rouen Normandie. Trois ans plus tard, le recours des opposants au projet (un ensemble de communes et deux associations) est examiné par le Conseil d’Etat. Il souffle comme un vent de révolte. Ne faut-il pas rappeler d’abord que dans ce genre de projet, on oublie (presque toujours) son histoire, en remontant à ses origines. En effet le projet date de... 1965, cela ne fait que 55 ans ! Il est logique que ce projet ait traîné tant il est complexe, et de ce fait Rouen se retrouve maintenant une des rares, peut-être la seule ville de cette importance, sans périphérique. Mais la topographie locale ne facilite pas vraiment ce genre de réalisation.
On a souvent répété que chaque fois que Jean Lecanuet, maire de Rouen, était ministre, on avait un nouveau pont sur la Seine... Cela s'est effectivement vérifié à plusieurs reprises, notamment pour la construction du pont Mathilde achevé en 1979. A ce moment-là, le contournement est devenu une question pressante. Mais on avait tardé et le Val Grieu (remontant sur le plateau des Sapins) qui aurait dû recevoir le prolongement du pont en rive droite était déjà urbanisé en partie et rendait impossible le passage d'un périphérique. On a donc construit le pont Mathilde sans rien de part et d’autre... Dans le même temps s'est posée la question d'un contournement par l'ouest. Celui-ci avait vocation à utiliser le pont suspendu prévu entre Rouen et Duclair, qui figurait déjà dans le Schéma d'aménagement de la Basse Seine de... 1971. Mais pour des arrangements à l'occasion d'élections cantonales, Jean Lecanuet décida de déplacer ce pont à Caudebec-en-Caux. On oublia le pont de Duclair et on construisit celui de Brotonne (inauguré en 1977), là encore avec une simple route sur chaque rive. Entre temps, le méandre de Duclair s'est fortement urbanisé et le projet de périphérique ouest est devenu, là aussi impossible.
Je ne fais pas le procès de Jean Lecanuet, mais celui de l'imprévision, du manque de prospective et de projection sur le long terme, au-delà de la durée du mandat des élus. Ainsi, de reports en reports, on en est arrivé au projet actuel, plus éloigné de Rouen et bien compliqué en matière de topographie (les coteaux de St Adrien sur la rive droite de la Seine) et les zones sensibles pour l'alimentation de Rouen en eau potable. L'histoire montre combien, en ne décidant pas, on a complexifié un problème, déjà ardu au départ, pour le rendre au final difficilement acceptable compte-tenu de son coût énorme et de ses impacts potentiels forts.
Nous voilà… 55 ans après l’idée d’un périphérique, avec un projet de 41,5 km d’autoroutes, comportant huit viaducs et six échangeurs, géré par une concession autoroutière et à péage, pour un coût de l’ordre du milliard d’euros… si tout va bien. Que faire maintenant puisque la contestation est forte.
Alors qu’il aurait fallu développer le fret ferroviaire pour ralentir fortement le trafic des camions, on a saboté ce mode de transport en faisant du « tout TGV » aux dépens des lignes dites secondaires (mais prioritaires), et de transport de marchandises. A supposer que l’on inverse la tendance, cela va prendre des décennies et il faut bien trouver une solution d’attente, a minima. La circulation des camions dans l'agglomération de Rouen et alentours est devenue insupportable... Ne peut-on alors imaginer un projet « allégé » à vocation essentielle de déviation des poids-lourds en transit, sans en faire une autoroute. On peut imaginer, dans ce contexte, d'être moins exigeant sur les caractéristiques techniques, être plus restrictif sur la vitesse des véhicules, etc. C'est un peu, semble-t-il, l'esprit de la démarche d'Acces (Association des communes pour un contournement est soutenable). D’autres collectivités ou associations sont résolument contre, ce que l’on peut comprendre, mais n’est-ce pas alors… contourner le problème ? Un compromis serait sans doute plus raisonnable pour l’environnement… et les finances publiques.