Les défis qui sont devant nous en matière d’environnement nécessitent réflexion et prospective afin de remédier au mieux aux problèmes posés, sans en rajouter et sans mettre en œuvre de fausses bonnes idées, comme c’est parfois le cas… Il y a bien des façons de prendre du recul, l’une d’entre elles consiste à regarder la Terre depuis l’espace.
C’est en 1944 que commence l’ère spatiale, avec le lancement d’un missile V2 par les Allemands à une altitude de 100 km, limite entre l’atmosphère et l’espace. Peu glorieux… Plus positivement, trois évènements marquent la « conquête » de l’espace : le premier vol spatial orbital, le 4 octobre 1957, par le satellite soviétique Spoutnik 1 ; puis le premier vol habité par un humain, le 12 avril 1961, avec le soviétique Youri Gagarine ; et surtout le premier pas sur la Lune, le 20 juillet 1969 par l’Américain Neil Armstrong et ses coéquipiers. Depuis 50 ans, les technologies spatiales ont consisté essentiellement en l’exploration scientifique des planètes et en télécommunications. Aujourd’hui, l’exploration spatiale est d’abord scientifique et commerciale avec un début de tourisme spatial.
L’astronaute Thomas Pesquet, par sa sensibilité personnelle, nous apporte maintenant un autre regard sur cette exploration, en regardant précisément… la Terre ! Revenant de sa mission de sept mois à bord de l’ISS début novembre 2021, il a pu témoigner de la beauté fragile de notre planète en constatant l’impact des pollutions et l’ampleur des phénomènes climatiques, avec notamment les ouragans dans le golfe du Mexique ou les incendies gigantesques dans le bassin méditerranéen ou en Amérique du Nord, la Californie n’étant plus visible sous une épaisse couche de fumée… Voilà les choses vues avec recul ! Ces expériences scientifiques ont un coût élevé qui se justifie si elles profitent à la communauté, avec des débouchés vers une meilleure gestion de la planète. Par exemple, une découverte approfondie de la planète Mars pourrait nous apprendre beaucoup sur la place de l’Homme dans l’univers, l’apparition de la vie et son devenir, l’existence ou pas d’autres créatures vivantes. Quant à envoyer dans l’espace des milliardaires pour les distraire… Sachant toutefois que les budgets en question n’ont rien à voir avec, par exemple, les dépenses militaires. En France, le Centre national des études spatiales (CNES) a coûté 2,3 milliards d’euros en 2021, contre 55 milliards d’euros pour la défense nationale. Dans ce domaine, comme tant d’autres, il serait toutefois temps de passer de la compétition à la coopération, pour tirer un maximum de profit collectif de ces découvertes.
Sans aller toujours vers des missions complexes et longues, il faut bien comprendre que de « simples » satellites apportent à chaque instant d’innombrables données pour apprendre et lutter contre la dégradation de notre environnement, que ce soit le dérèglement climatique ou l’érosion de la biodiversité. Pour cerner au mieux l’évolution du climat, rien de tel que l’espace pour avoir une vision globale, ce que ne manque pas de faire le GIEC dont les indicateurs reposent sur des observations spatiales. Ce recul permet aussi de suivre l’évolution des glaciers, et en particulier ceux des pôles, et l’élévation du niveau des mers. Concernant la biodiversité, c’est depuis l’espace que l’on voit le mieux l’évolution des forêts et leur fragmentation, avec les opportunités de recréer des corridors boisés pour relier les fragments et ainsi reconstituer les circulations des animaux sauvages et augmenter leurs chances de survie. C’est aussi de « là-haut » que l’on observe le mieux les migrations et leurs évolutions avec le dérèglement climatique, la régression du plancton dans les océans, ce qui compromet la vie marine et donc notre approvisionnement en poisson… Ce ne sont là que quelques exemples parmi beaucoup d’autres. Plus près de nous encore, les techniques d’imagerie satellite contribuent à l’évolution des pratiques agricoles en permettant plus de précision sur le terrain pour caractériser les sols et les cultures les mieux adaptées.
Dans ce contexte scientifique, les vieux fantasmes humains reprennent vite le dessus, en termes de concurrence et de profit. C’est ainsi que les Etats-Unis ont rompu le traité de l’espace des Nations Unies de 1967 fondé sur la non-appropriation et la non-militarisation de l’espace. Au moment du dérèglement climatique il est primordial que l’espace, comme les pôles de la Terre, reste un bien commun de l’humanité, un lieu de recherches. Son exploration doit se faire avec des coopérations internationales et des finalités qui concernent toute la planète et la survie de l’Humanité !