C’est début 2000, lors de l’évaluation environnementale du projet de Port 2000 au Havre, qu’a été évoquée avec insistance la nécessité de relier ce nouveau port à la Seine pour pouvoir recourir au transport fluvial. Un peu plus tard… entre 2015 et 2017, une étude a été lancée pour faire la synthèse entre les différentes possibilités d’amélioration de la connexion de Port 2000 (situé en plein estuaire) avec la Seine, ceci afin de privilégier le mode fluvial plutôt que la route pour les conteneurs en mouvement à Port 2000. Après enquête publique et concertation, il a été acté en 2018 la création d’une « chatière », infrastructure d’accès direct à Port 2000 pour les péniches. On en voit le bout… : la procédure d’instruction est close et une enquête publique se tiendra en décembre 22 et janvier 23. Suivront les travaux et peut être qu’en 2024-25… on aboutira. Il n’aura fallu que 25 ans pour intégrer que la situation actuelle est ubuesque avec 6 000 navires par an qui traitent 110 millions de tonnes de marchandises vers Le Havre, Rouen et Paris, acheminées par le rail (5%), le fleuve (10%) et la route (85%) soit de l’ordre de 5 000 camions par jour !…
Certes, le dire c’est facile et le faire beaucoup moins, compte-tenu de la complexité technique des installations, des services joints et des préoccupations environnementales et énergétiques. Mais tout de même, 25 ans pour solutionner une évidence, c’est beaucoup ! Le transfert de milliers de conteneurs sur les péniches et les trains a tellement d’avantages en matière d’énergie et impacts environnementaux divers sur les infrastructures routières, le bruit, etc. On peut charger 200 conteneurs sur une barge, c’est l’équivalent de… 200 camions. Cela dit, on peut aussi envisager des barges plus modestes. Pourquoi toujours ce gigantisme ? Certes le fluvial est plus complexe à gérer que la route, mais en matière de décarbonation, le fluvial est à peine à la moitié de la route.
Avec la même urgence, il faudrait aussi s’interroger sur la nécessité de ce trafic qui consiste à faire voyager des marchandises à travers toute la planète, alors qu’une bonne part pourrait être produite localement. La guerre d’Ukraine et la pandémie de Covid-19 ont bien montré les limites de ce délire qui nous fragilise de plus en plus.
Comme le chantait Tino Rossi, il y a bien longtemps, dans sa chanson « Quand on est marinier » : Au long des berges de France, Ah ! qu'il fait bon naviguer, Le vent chargé d'espérance, Avec nous vient chanter. Ô marinier, ohé !
Un petit retour sur le passé n’est pas forcément une reculade, parfois simplement du bon sens !