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  • : Le blog de Michel Lerond
  • : Libre opinion sur les questions d'actualité en environnement et développement soutenable
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  • Michel Lerond
  • Ecologue et essayiste. Dans notre pratique professionnelle, nous avons pu contribuer, notamment, à un meilleur accès à l’information sur l'environnement.

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3 février 2023 5 03 /02 /février /2023 08:50

      L’actualité récente a été bien monopolisée par la réforme de la retraite et ses retombées socio-économiques. N’est-on pas là dans un débat un peu dépassé, qui ne prend pas en compte les réalités de notre époque ? Ce débat récurent a des racines lointaines, puisque Louis XIV créa en 1673 une première caisse de retraite pour les équipages de la marine royale, démarche élargie un siècle plus tard, au moment de la Révolution, au service des impôts, puis à l’ensemble des serviteurs de l’État. La loi de 1853 définit la retraite des fonctionnaires d’État et des militaires, et dans le même temps, les travailleurs mettent en place des sociétés de secours mutuel, prémices des caisses de retraite, avec parfois le concours de patrons paternalistes. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle qu’émerge l’idée d’une retraite pour l’ensemble des salariés, en Allemagne sous l’égide de Bismarck. Au début du XXe siècle le gouvernement français prévoit d’assurer aux cotisants une retraite… à 65 ans, à une époque où moins d’un salarié sur 10 atteint cet âge. Ce n’est que dans les années 1930 que se met enfin en place un régime d’assurance vieillesse obligatoire pour tous les salariés. Ainsi, la généralisation de la retraite a constitué une grande avancée sociale, mais constamment remise sur le tapis, surtout pour en définir ses conditions, en oubliant souvent combien le régime français est plus avantageux, malgré tout, que dans beaucoup d’autres pays...

     Chaque époque a donc actualisé cette démarche, mais en ne prenant pas toujours en compte la prospective nécessaire, puisque parler de retraite c’est bien sûr se projeter dans un futur que l’on ne connaît pas précisément. Ne serait-il donc pas temps de reprendre les choses dans l’ordre et de s’interroger sur l’organisation du travail, son sens, son utilité et son partage, et ensuite sur la retraite et ses modalités. Dès avril 2014, voilà presque 10 ans, je m’interrogeais sur ce blog : A quoi ça sert de travailler ? Il est sans doute révélateur que cette chronique soit la plus lue du blog avec un peu plus de 1 800 consultations. Je concluais ainsi : « Qui posera ces questions… pour repenser la notion de travail, son utilité et sa place dans la recherche de la plénitude de chacun ? » Nous y voilà ! Quel est le sens du travail, et donc de son arrêt pour partir en retraite, quand on sait maintenant que l’on est confronté à des enjeux planétaires (climat, biodiversité, pandémies, migrations…) qui vont de façon quasi certaine remettre en cause nos pratiques sociales.

     Concernant la fin de vie professionnelle, les discussions restent obsessionnelles sur l’âge du départ en retraite, comme s’il devait exister une solution standard, avec juste quelques adaptations. Ne peut-on imaginer que chacun puisse avoir des opportunités de choix sur sa sortie du monde du travail ? Bien sûr que certains métiers sont plus pénibles que d’autres, mais tous comportent des moments de pénibilité, et faire des comparaisons sur ce plan à échéance de 43 ans est plus qu’hasardeux… Ne peut-on imaginer que l’on puisse changer d’emploi au cours de sa vie, pour vivre d’autres expériences et répartir les pénibilités. On peut aussi préférer un départ en retraite progressif plutôt que brutal, du fait de la déstabilisation que cela représente parfois. En bref il conviendrait que l’on soit plus souple et respectueux de la liberté de chacun en se préoccupant d’abord du sens du travail et de ce qu’il apporte à chacun en qualité de vie, plutôt que de se focaliser sur les questions secondaires de l’âge de départ ou du nombre d’annuités.

     En fait, à quoi bon travailler pour fabriquer des produits inutiles, voire nuisibles, pour le simple fait qu’ils génèrent de l’emploi ? Il faut donc s’organiser pour mieux partager le travail, pénible ou pas. On peut diminuer le temps de travail pour maintenir le nombre d’emplois, les 30 heures hebdomadaires ne sont plus utopiques d’autant plus que la mécanisation et la robotisation se développent à outrance. C’est aussi une façon de contribuer à réduire nos émissions de gaz à effet de serre : fabrications, transports des marchandises, déplacements des employés. Plus de temps libre facilite les mobilités lentes, une consommation raisonnée et offre plus d’opportunités de sociabilité. Ce levier peut aider à passer d’un travail subi à un travail choisi et ouvre vers une société plus solidaire. Le modèle linéaire actuel produire-consommer-jeter a atteint ses limites et pose vraiment la question de comment redéfinir les objectifs de l’économie. Cette phase critique suppose aussi que l’on gomme les inégalités entre une part de la population de plus en plus pourvue en confort et une autre part qui parfois sombre dans la misère. Le monde change, nous assistons vraisemblablement à la fin d’UN monde, il faut tout repenser ! Ne nous voilons pas la face, si les oppositions à la réforme annoncée sont aussi fortes, ce n’est pas simplement pour l’âge du départ en retraite, mais plus largement il s’agit d’un « ras le bol » généralisé par rapport à une société qui part en vrille et n’offre aux jeunes que des perspectives peu réjouissantes.

     Si de telles mesures entraînent une baisse de revenu, celle-ci peut être compensée par la mise en place du revenu universel, plutôt que toutes ces aides démagogiques à tout bout de champ, peu compréhensibles et sous-utilisées... L’économie est une des sciences sociales les plus avancées, mais qui a fait un peu trop abstraction des aspects sociaux et écologiques. Il faut inventer une nouvelle économie débarrassée de cette obsession de la croissance à tout va qui ne tient pas compte des ressources réelles de la planète, et donc revoir la répartition du temps de travail sur toute sa vie. La solidarité, le partage, ce peut être une bonne voie pour redonner du sens au travail. Il faut donc reprendre ces débats relatifs à la retraite sur des bases actualisées : reconsidérer le sens du travail, donner plus de souplesse aux choix personnels et alors, on peut se remettre au boulot, pour un bon boulot !

 

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commentaires

L
Travailler pour le grand capital a t’il vraiment du sens?<br /> Se tuer à la tâche pour enrichir des riches de plus en plus riches et détruire la planète qui n’en peux mais, tout cela est-il vraiment positif ?<br /> Un autre monde serait possible, les très riches n’en veulent pas .
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M
Merci Rémi. Il y a encore du boulot !...
C
Nous sommes bien loin de ce que tu proposes . <br /> Quel dommage que tu ne sois pas plus écouté des hautes sphéres....
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M
Merci Christiane. C'est trop d'éloges. Je vais voir pour la prochaine présidentielle !...