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  • : Le blog de Michel Lerond
  • : Libre opinion sur les questions d'actualité en environnement et développement soutenable
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  • Michel Lerond
  • Ecologue et essayiste. Dans notre pratique professionnelle, nous avons pu contribuer, notamment, à un meilleur accès à l’information sur l'environnement.

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2 février 2024 5 02 /02 /février /2024 09:27

     C’est en novembre 2023 que la chaîne d’information France Info, à l’occasion de la COP28 à Dubaï, a interrogé les anciens ministres de l’environnement français qui ont tenté de lutter contre le dérèglement climatique. Ce survol historique est éloquent quant aux avancées en matière d’environnement, mais aussi quant à la lenteur des actions à mettre en place… Revoyons brièvement les réactions les plus significatives de ces ministres. C’est en 1971 qu’est créé le premier ministère de l’environnement confié à Robert Poujade qui écrira plus tard un livre sur « le ministère de l’impossible »… ça commence bien !

     En 1986 c’est Alain Carignon qui occupe le ministère, il regrettera un peu plus tard que le climat ne préoccupe personne et que « l’écologie était secondaire par rapport aux préoccupations économiques ». Il est remplacé en 1988 par Brice Lalonde, écologiste, qui estimait que sa marge de manœuvre était limitée. Il parvient tout de même à faire accepter les pots catalytiques et un « plan pour l’environnement » en convenant que «  C'est toute une affaire d'avancer, d'accepter des compromis, d'avoir des étapes… La tâche est énorme. » En 1992, en même temps que se met en place un sommet de la Terre, le nouveau ministre, Michel Barnier tente de faire émerger une écologie qui conjugue défense de l’environnement et capitalisme, mais un peu dépité il se considère comme un enquiquineur : « Nous ne sommes que le maillon d'une chaîne. Vous n'êtes que le successeur d'un ministre et le prédécesseur d'un autre. » En 1995, l’avocate Corinne Lepage arrive au ministère et très vite devient critique en déclarant plus tard : « Quand vous parliez de notre responsabilité à l'égard des générations futures, tout le monde s'en foutait et, en fait, on a commencé à s'intéresser au climat quand notre génération a été concernée.» Dominique Voynet prend sa suite en 1997 et confirme : « On en parle peu » en précisant qu’il n’y a pas que les politiques qui se désintéressent de la question puisqu’au sommet de Kyoto, face à des dizaines de journalistes de diverses nationalités, il y avait… deux journalistes français. Lorsqu’elle défend un projet d’écotaxe, il est torpillé par le ministère des finances et elle finit par jeter l’éponge. En poste en 2001, Yves Cochet juge que le troisième rapport du GIEC est la moindre des préoccupations pour Jacques Chirac ou Lionel Jospin. Roselyne Bachelot arrive au ministère en 2002, mais Jacques Chirac lui ravit la vedette avec sa phrase célèbre « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » bien que la réalité soit autre comme le soupire la ministre : « On était à l'époque, à l'Ecologie, l'avant-dernier budget ministériel » et cela malgré la canicule de 2003 et ses 15 000 morts, ce qui révèle combien la France n’est pas préparée à affronter les conséquences du dérèglement climatique. Vingt ans plus tard Roselyne Bachelot est encore dépitée quand elle rappelle qu’elle avait déclaré alors : « Quand, après la canicule, je dis qu'à la fin du siècle, l'été 2003 paraîtra frais, il faut voir les injures et les moqueries que j'ai reçues, de la part des journalistes et des politiques. » En 2004, Serge Lepeltier prend le relai, avec quelques succès (développement des biocarburants) et échecs (stratégie nationale de développement durable) ce qui lui fait déclarer : « Pour des raisons politiques – le risque de perdre certains électeurs – on a fait en sorte qu’il n’y ait plus une mobilisation générale sur ce thème ». Puis Nicolas Sarkosy crée un super ministère de l’Ecologie attribué à Jean-Louis Borloo qui met en place une machine de guerre : le Grenelle de l’environnement. C’est un succès mais qui s’essouffle vite avec le coup d’arrêt des énergies renouvelables en 2010, suite à l’arrivée de Nathalie Kosciusko-Morizet au ministère contrainte de réduire les subventions au risque de plomber les comptes de l’État. Delphine Batho torpille le mauvais budget de son ministère et est vite limogée dès 2013, remplacée par Philippe Martin qui relance l’idée d’éco-taxe qui cette fois, se heurte à la colère de certains français. En 2017, Emmanuel Macron tout juste élu nomme le très populaire Nicolas Hulot aux commandes afin de concrétiser l’accord de Paris pour le climat. Mais onze mois plus tard… l’ancien animateur claque la porte en regrettant les « petits pas » de la France à ce sujet ! François Rugy lui succède pour tenter de remédier à la menace climatique, mais cette fois la rue, avec le mouvement des gilets jaunes, met à bas l’augmentation de la taxe carbone qui est finalement abandonnée en 2019. Barbara Pompili reprend le flambeau en 2020 pour tenter de réconcilier les Français et l’écologie en mettant en place une convention citoyenne de 150 citoyens tirés au sort qui élaborent des propositions de sobriété vite tuées dans l’oeuf, ce qui fait dire à la ministre qu’elle est une « éternelle frustrée ». Enfin, c’est Christophe Béchu qui, à partir du printemps 2022, s’attaque à un défi « effectivement colossal » avec un succès que l’on espère, mais… les décisions récentes prises pour calmer les agriculteurs semblent démontrer le contraire !

     Pendant ce temps, la maison continue de brûler ! Il semble bien que le ministère de l’environnement serait pour de bon, et après 52 ans de pratique, « le ministère de l’impossible » ! Malgré la volonté individuelle d’agir et de progresser de ces ministres, voilà donc un tableau édifiant de lenteur de la classe politique devant des faits de plus en plus préoccupants, au point de mettre en péril l’avenir de notre civilisation. Accorder à l’environnement la bonne place dans les préoccupations politiques n’est décidément pas une tâche facile. C’est la responsabilité des politiques, certes, qui n’ont pas intégré complètement l’importance du sujet, mais c’est aussi notre faute à nous, trop peu exigeants en la matière. Quoi qu’on en dise, les politiques restent à l’écoute des citoyens, ne serait-ce que parce que c’est nous qui les élisons !

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