Le commissaire européen à l’environnement, Stavros Dimas, vient de l’annoncer à Athènes fin avril : l’Union Européenne n’atteindra pas l’objectif qu’elle s’était fixé de stopper l’érosion de la biodiversité en 2010. Pire encore, entre 40 et 70 % des espèces d’oiseaux et entre 50 et 85 % des habitats de faune et de flore sont dans « une situation de conservation critique » selon l’Agence européenne de l’environnement. Grâce au réseau Natura 2000, on a tout de même réussi à ralentir le rythme de destruction de la nature, dûe surtout à l’urbanisation, l’agriculture intensive et les infrastructures routières.
Même si les modifications climatiques ont été beaucoup plus médiatisées que l’érosion de la biodiversité, l’opinion publique commence à s’émouvoir devant l’effondrement de la pêche en mer ou la forte mortalité des abeilles. Dans notre société-fric, ce qui n’est pas monétarisé a peu de valeur, c’est bien le problème de la nature qui satisfait à nos besoins primaires de façon quasi gratuite, si bien que sa destruction n’a pas d’incidence immédiatement perceptible.
Il convient donc de donner un prix aux services rendus par la nature, comme le préconise l’Union Européenne en confiant à l’économiste Pavan Sukhdev la direction d’une étude sur « l’économie des écosystèmes et de la biodiversité » de façon à apporter aux décideurs, en 2010, des outils pour assurer la transition vers un système économique plus respectueux de la nature. De même, en France, Bernard Chevassus-au-Louis vient de rendre le rapport du groupe de travail qu’il a présidé « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » (http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=980). Celui-ci vise à présenter les méthodes de quantification de la valeur financière de la biodiversité et à définir des « valeurs de références » utiles pour l’évaluation socio-économique des investissements publics. A titre d’exemples la valeur d’une forêt française est estimée à 970 €/ha/an et un récif corallien entre 5 000 et 10 000 €/ha/an. On voit bien là les limites de la démarche et ses dérives potentielles. Certes, on mesure l’intérêt de pouvoir intégrer dans le prix des produits de consommation le coût des impacts sur la biodiversité, mais il faut prendre garde à ne pas créer un marché de la biodiversité comme on le fait déjà pour les « droits à polluer » par exemple.
Il s’agit bien de dépasser le stade de l’affectif pour objectiver le coût des atteintes à la nature, en prenant bien garde toutefois de ne pas marchandiser la biodiversité. A ce stade, il serait opportun de tirer les leçons de la crise économique pour aller plus loin, à savoir repenser les fondamentaux économiques en inversant le rapport entre environnement et économie qui nous a conduit dans le mur : c’est l’économie qui doit être une déclinaison de l’environnement (nos besoins vitaux) et non l’inverse.