Yves et Mary en étaient persuadés, les haies constituaient une caractéristique essentielle du paysage dans lequel ils vivaient. Jo allait même plus loin en affirmant que les haies faisaient partie du patrimoine et à ce titre méritent toute notre attention bienveillante. Quant à Marditt il continuait à répéter son slogan favori pour sauver les haies, brûlons-les ! Il se trouva dans la contrée quelques attardés pour prendre la phrase au premier degré et ils brûlèrent le peu de haies qu’il leur restait. ça fera plus propre, qu’ils ont dit… Comme il faut tout expliquer, Michel-Jean retint sa colère pour bien détailler le sens du slogan de Marditt : si on exploite la haie pour en faire du bois de chauffage, en bûches, plaquettes ou granulés, il faudra la gérer pour qu’elle produise de quoi alimenter la chaudière sur des décennies. Et dans ce cas, il faudra maintenir les haies en place et donc les sauver ! T’aurais pu nous le dire avant, s’exclama le brûleur de haies, je les aurais gardées si ça rapporte !
Guy et Jérôme, l’un écolo, l’autre agriculteur, tenaient le même langage : non seulement il faut sauvegarder ce qu’il reste de haies, mais il faudrait même en replanter, en expliquant bien qu’il s’agit là d’une culture qui rapportera à terme. Jeanne-Marie et Annick étaient du même avis en mettant en garde contre les TCR (taillis à courte révolution) qui peuvent être intéressants pour produire des granulés en grande quantité mais qui n’ont pas le même charme paysager.
Il y avait là, tout de même, des éléments encourageants et Mary et Yves revinrent à leur idée initiale : et si on faisait un film à vocation pédagogique sur ce sujet ? Tous étaient enthousiastes et la discussion s’enflamma. Il faudrait montrer comment on taille une haie, bien en définir les avantages écologiques, montrer des vues aériennes, depuis une montgolfière par exemple, etc. Jo insista sur les aspects historiques pour que l’on perçoive bien l’évolution. Michel-Jean proposa de montrer la relation avec Natura 2000. On évoqua encore l’intérêt de la prise en compte des haies dans les documents d’urbanisme, de filmer une réunion de conseil municipal à ce sujet, et aussi des chaufferies collectives à bois, une démonstration de déchiquetage, etc. Bref tout le monde s’accorda sur le fil conducteur du film : L’identité de la Boutonnière du Pays de Bray repose non seulement sur les hommes et les femmes qui y vivent, mais encore sur une identité rurale qui, depuis des siècles, a façonné le paysage. Le Bocage Brayon, avec ses haies vives, est un patrimoine précieux, qui aujourd’hui peut être également une ressource économique, dans le respect d’un environnement toujours plus fragilisé. Et c’est ainsi qu’à l’initiative des associations locales fut lancé le projet « Des racines et des Haies » porté par Beaubec productions. (http://www.beaubecproductions.fr/pages/filmsencours/des-racines-et-des-haies.html). Réalisation prévue en 2014.