La campagne présidentielle française est maintenant terminée, elle a été très décevante. Hormis les coups bas et discours démagogiques, c’est surtout l’absence de débat sur les questions essentielles qui a frappé.
Parmi ces questions, il y avait bien sûr celles relatives à notre avenir, en commençant par les besoins vitaux : eau et biodiversité, climat et énergie. Mais dans la pensée fragmentée qui caractérise notre époque, l’utilitaire et le court terme l’emportent sur la réflexion et le long terme. Malgré tous les appels, les mises en garde répétées, les proclamations et médiatisations sur l’urgence à agir, demain paraît encore loin et ces prévisions de pénurie ou de perturbations ennuient beaucoup de monde, les politiques en premier lieu. Continuons de vivre à crédit sur le dos de la planète, c'est-à-dire de nos successeurs… D’abord le pouvoir d’achat et, repliés derrière nos frontières, au diable les considérations écologiques globales. C’est aussi la question du fonctionnement de notre démocratie qui est posée : les candidats ont sûrement bien écouté l’opinion publique majoritaire et se sont bien gardés d’aborder les problèmes de fond, qui nécessairement, vont à rebrousse poil. Mais peut-on faire preuve de courage politique en allant contre l’opinion et espérer être élu. C’est une équation quasi impossible.
Les politiques n’ont toujours pas pris acte des mutations profondes de notre époque, quitte à nous renvoyer parfois des décennies en arrière. On aurait pu attendre davantage de pédagogie sur le monde qui nous attend, si différent de celui d’aujourd’hui. L’équilibre géopolitique sera bouleversé, l’accès aux ressources sera plus compliqué, la satisfaction de nos besoins primaires sera parfois compromise… Faute de l’avoir expliqué, d’avoir fait croire que tout serait comme avant, avec un repli nostalgique illusoire, l’opinion publique pourrait bien se retourner contre ceux-là même qui ont entretenu l’illusion.
Les lilliputiens du parti vert devraient peut être aussi s’interroger sur leur stratégie (http://www.michel-lerond.com/article-le-hulot-ou-la-hulotte-68849279.html), d’autant plus quand la « politique autrement » ressemble étrangement aux manœuvres et compromissions des autres partis…
Si comme le pense le philosophe Edgar Morin, la crise que nous traversons est bien une crise de civilisation, alors les politiques doivent indiquer la voie pour changer la logique dominante, en nous associant à cette mutation, cette « métamorphose » comme dit le philosophe.
Michel Serres, le philosophe et académicien a résumé la situation dans une interview donnée au journal Le Monde (13 avril 2012) : Vraiment, croyez-moi, cette campagne, c’est la campagne des vieux pépés ! Et si les vieux pépés, c’était nous tous ?