Addicticide est un nouveau mot que je viens d’inventer, résultant de la contraction de addiction (du latin ad-dicere, la dépendance) et de pesticide (du latin pestis, fléau et caedere, tuer). Il s’agit donc de la dépendance au désir de tuer toute cette vermine, plantes et animaux nuisibles qui endommagent mes cultures.
En fait, j’essaie de me soigner, mais c’est bien difficile de sortir d’une addiction lorsque l’on est soutenu par les pouvoirs publics… pour y rester. Il faut dire que la France est, après les Etats-Unis et le Japon, le troisième pays au monde pour la consommation de produits phytosanitaires. On ne peut que se glorifier d’un tel palmarès, presque champions du monde ! Et puis c’est tout de même grâce à ces produits que nous avons pu éliminer tous ces ravageurs des cultures et ainsi moderniser l’agriculture. Bon c’est vrai, on sait maintenant que les praticiens de l’agriculture intensive consomment 93 % du marché national de phytosanitaires et qu’ils sont les premiers à pâtir des risques sur leur santé… alors ça fait réfléchir. Mais les pesticides, c’est tout de même un chiffre d’affaires annuel de près de 2 milliards d’euros en France. Heureusement que les céréaliers, et surtout les viticulteurs, sont là pour épandre tout cela, à raison d’une moyenne de 5 kg de matière active par hectare.
Bien sûr, l’Agence européenne de l’environnement (AEE) publiait début 2013 un rapport qui soulignait les manquements à la réglementation sur les pesticides, avec des risques sanitaires importants, ignorés ou cachés. Encore l’Europe ! Oui, oui les subventions, et alors, c’est un tout autre sujet. Il y a un autre bidule européen, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui donne un avis très sévère sur certains pesticides qui présentent un risque élevé pour les abeilles. Il paraîtrait qu’au niveau mondial, les abeilles rendraient des services dont le montant est estimé à 115 milliards d’euros par an. Mais on n’est pas des éleveurs d’abeilles, nous.
Et puis, en France même, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), encore un autre bidule, prétend que ses alertes ne sont pas entendues par le ministère de l’agriculture qui aurait autorisé des pesticides dangereux contre les avis scientifiques. Si c’est vrai, on ne peut même plus se remonter le moral avec un coup de pinard : tous les vins contiennent 1 à 9 pesticides différents, sauf les vins bio. Mais bon, pour en sortir de ce système… en Guadeloupe, il faudra attendre sept siècles pour éliminer le chlordécone, le pesticide des bananeraies qui a maintenant contaminé les sols, les légumes et les produits de la pêche…
Ces dernières nuits, j’ai mal dormi. Je me demande, si finalement, je ne serais pas en addiction à une sorte de déraison.