Chaque année, le vice-président de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Rouen doit prononcer l’éloge de la vertu. C’était mon tour, le 15 décembre 2012. Si les vertus se divisent en vertus morales et intellectuelles, il est certain que je me sens davantage d’affinités avec celles qui incitent à rechercher des vérités dans un registre donné et qui ont leur siège dans la raison. La vertu se trouve ainsi à la confluence de l’intelligence, de la science et de la sagesse. L’écologie est-elle une vertu ? Certes non s’il s’agit de la discipline scientifique, mais peut être s’il s’agit de l’écologisme, courant de pensée venu d’Amérique dans les années 1960. Ah la vertu du langage approprié !
Pour être précis, il faudrait donc poser la question : l’écologisme est-il une vertu ? A en croire les discours ambiants, on serait tenté de répondre par l’affirmative. L’écocitoyen serait donc un être vertueux, surtout s’il trie correctement ses déchets ménagers, consomme des produits de proximité, se déplace à pied ou à bicyclette, etc. Mais comme une chose ne peut être pensée sans son contraire, il faut bien se résoudre à traiter de la vertu, fut-elle écologiste, et de son opposé le vice. Ainsi, le green washing, comme l’on dit maintenant en français, ne serait-il pas à l’opposé de la vertu ? Nous vivons une époque où l’on peut aisément se faire abuser et prendre un vice pour une vertu. Les protagonistes de la société de consommation ont été assez habiles pour légitimer des besoins qui n’en sont pas vraiment, en poussant à consommer toujours plus, et habillant de l’aura de la vertu ce qui ne pourrait bien être que des vices. C’est ainsi que la rhétorique publicitaire vante les vertus écologiques de toutes sortes de produits qui ne méritent pas forcément une telle promotion.
Ainsi, est-il vertueux d’utiliser des lampes basse consommation, alors qu’elles contiennent du mercure ? Est-il vertueux de consommer des produits « naturels » importés de pays où la sous-alimentation perdure ? Que d’exemples pourrions-nous donner, qui sont autant de situations à propos desquelles croît le doute, entre information et intoxication, entre besoins nouveaux et publicité commerciale ou entre vérité scientifique et charlatanisme…
Pour que l’écologisme soit une vertu, sans doute faut-il être bien informé et faire preuve de discernement, ce qui n’est guère aisé. Dans ce domaine, on pourrait enfin se référer à Jean-Jacques Rousseau dont on célèbre cette année le troisième centenaire de la naissance. Dans ses Rêveries du promeneur solitaire, notamment, il se montre précurseur en regardant la nature sauvage avec complaisance, en dehors de tout utilitarisme. Mais ce chantre de la vertu avait abandonné ses cinq enfants ! Personne n’est parfait, ni même tout à fait vertueux… (http://academie1744.rouen.free.fr/)