Après 2010 l’année de la biodiversité, voici 2011, l’Année internationale de la chimie. Voilà une bonne occasion de s’interroger sur le sens des mots. Que n’a-t-on entendu dire du mal de la chimie. A bas les produits chimiques et vivent les produits naturels ! Oui, bien sûr, mais que signifient vraiment ces expressions ? Dans le langage populaire, produit chimique rime avec pollution et toxicité, alors que produit naturel s’accorde avec bienfaits et santé. Mais voilà, un produit chimique comme le chlore est abondant dans la nature, en lien direct avec le sel de table, nécessaire à de nombreuses formes de vie ; et un produit naturel, comme la pomme de terre peut produire des fruits très toxiques (à ne pas confondre avec les tubercules que l’on mange). Autre exemple troublant, l’if commun est au arbre fréquent sur les sols calcaires. Toute la plante est toxique (200 mg/kg suffisent à tuer un cheval) sauf la minuscule baie. En 1971, les chimistes ont isolé une molécule, le taxol, puis en 1980, le taxotère encore plus efficace pour soigner certains cancers. On pourrait ainsi multiplier les exemples montrant la dualité des produits chimiques ET naturels, ou l’inverse. De fait, la chimie est présente partout, discipline à la frontière de la biologie dont il est parfois difficile de la dissocier. Ainsi, la chimie de synthèse, sans doute la plus redoutée du grand public, offre la possibilité de créer des substances plus performantes que celles issues directement de la nature.
Bien sûr, la mauvaise réputation de la chimie est une rémanence d’accidents dus parfois à un manque de précaution, voire des négligences. Les accidents de Bhopal (explosion d’une usine de pesticides en Inde en 1984, faisant entre 3 500 et 25 000 morts selon les sources) ou d’AZF (explosion d’un stock de nitrate d’ammonium à Toulouse en 2001, faisant 30 morts et 2 500 blessés) sont dans toutes les mémoires, par exemple. En ce moment même, la rupture d’un réservoir dans une usine de production d’aluminium, en Hongrie, résulte sans doute de l’effet conjugué de fortes pluies et de négligences de l’industriel…
Sans doute des progrès peuvent-ils être encore réalisés, mais la profession de la chimie française, globalement consciencieuse, est soucieuse aussi de son image. C’est pourquoi, en 2009, une charte déontologique a été signée qui l’engage à « améliorer constamment la connaissance de l’impact des substances chimiques sur la santé et l’environnement ». A cette démarche volontaire, s’ajoute un cadre réglementaire très strict (le programme européen REACH de 2006, entre autres) pour la gestion des substances chimiques afin de les enregistrer, les évaluer et les autoriser ou non sur le marché. Puisse la chimie être associée à l’idée de santé de l’environnement ET santé des citoyens ; à chacun de faire un effort de sémantique pour ne pas tout mélanger.