Certaines anecdotes ne prennent tout leur sens qu’après coup. C’était le 29 janvier 1988, je rencontrais Jean Lecanuet en tête à tête à son bureau de la mairie de Rouen. Il était maire de la ville et président du conseil général de la Seine-Maritime. Je lui présentais les réalisations de l’Observatoire régional de l’environnement et insistais sur l’importance d’informer le public sur les questions environnementales. Il acquiesca, et soudain très pensif déclara : j’espère qu’il ne se passera jamais rien de grave à Paluel… La centrale nucléaire de Paluel était en chantier depuis 1977 et l’accident de Three Miles Island avait eu lieu en 1979. Le drame de Tchernobyl suivit en 1986. L’accident de Fukushima (sans oublier que le nouveau séisme du 7 avril a touché 2 autres centrales et un centre de retraitement) ne réconforterait sans doute pas l’ancien maire de Rouen…
La preuve vient d’être apportée, s’il en était besoin, que la technologie nucléaire n’est pas sûre. De plus, les choix initiaux, dans à peu près tous les pays, relèvent davantage de la connivence entre politiques et industriels que du débat démocratique. Tout cela fait froid dans le dos, mais pose aussi la question que personne n’aborde vraiment : comment se passer du nucléaire ? La fin du pétrole est inéluctable, la fin du nucléaire aussi. L’épuisement des stocks d’uranium étant envisagé pour la fin du siècle. Chacun sait que les énergies renouvelables constituent évidemment une solution par leur diversité, mais ne sauraient, avant longtemps, répondre à la consommation d’énergie actuelle et surtout à venir. Bien sûr, la technologie va progresser et apportera d’autres solutions pour la production d’énergie, mais cela demandera beaucoup de temps. Que peut-on faire dans l’attente, si ce n’est réduire nos consommations (http://www.michel-lerond.com/article-29123911.html).
Le retentissement de l’accident de Fukushima est planétaire et traduit une double inquiétude, celle du risque nucléaire et celle de la pénurie d’énergie. On peut penser que le retour d’expérience sera positif, mais les choix seront difficiles. Combien de contestations, de manifestations, de revendications allons-nous voir bientôt avec le renchérissement de l’énergie ?
C’est le moment que Louise a choisi pour naître dans ce monde en fusion. Si nous sommes tous des Japonais, alors Louise est une petite geisha qui va devoir accomplir une tâche immense, contribuer à réconcilier l’homme avec une nature parfois hostile, mais dont il ne peut se passer. Il est facile, en matière nucléaire, d’imaginer des scénarios de l’horrible. Sans aller jusque là, imaginons seulement que trois accidents de type Three Miles Island, Tchernobyl et Fukushima se produisent simultanément en trois endroits de la planète… Ce jour-là, peut être, Louise me regardera dans les yeux pour me dire : Et toi Papy, qu’est-ce que tu as fait pour éviter cela ? Je cherche ma réponse…