A l’occasion de la « Conférence sociale », au début de l’été, la présidente du Medef a souhaité que la liberté d’entreprendre soit inscrite dans la constitution. Que rêver de plus fort pour l’entreprise ? On peut se demander tout de même s’il n’existerait pas une forme de schizophrénie à vouloir toujours défendre le libéralisme de l’entreprise, pourvu qu’elle puisse être aidée par les services publics, selon le patronat, bien encadrée, selon l’Etat, et en tous cas la plus affranchie possible des contraintes administratives… Une sorte de quadrature du cercle.
Quelques jours plus tard, c’était l’annonce de licenciements massifs chez Peugeot-Citroën, ce qui est dramatique pour les personnes concernées et leurs familles. On nous a alors ressorti le discours sur l’économie mondialisée, la compétitivité, le « made in France », mais il n’a pas été question d’un principe pourtant basique : pourquoi donc s’enfermer dans ce schéma absurde qui consiste à produire toujours plus, ou au moins autant, de voitures alors que quasiment chaque famille française en dispose d’une, souvent de deux, parfois de trois… Dans le même temps c’était aussi le « sauvetage » de Pétroplus, une raffinerie qui emploie plus de 500 personnes, menacée de fermeture. C’est un autre drame, certes, mais qu’ont donc fait les responsables industriels et politiques depuis près d’un siècle qu’existe cette entreprise pour limiter de façon drastique ses pollutions de l’air et de l’eau qui empoisonnent le site de Rouen. Au nom de la sauvegarde de l’emploi, il y a alors un étrange consensus… et le silence des Verts est assourdissant. On pourrait multiplier les exemples du même genre.
Ce système ne peut perdurer qu’avec des « artifices » très discutables, tels que l’obsolescence programmée qui consiste, par exemple, à concevoir des imprimantes ou des appareils ménagers qui ne peuvent pas aller au-delà de tant d’heures d’utilisation, ou le marketing vert qui encourage à des achats éco-citoyens, alors qu’il n’en est rien. On a ainsi construit un système qui tourne sur lui-même, à vide on pourrait dire, et qui a perdu tout bon sens.
Il est urgent de repenser l’économie, l’entreprise, la signification du travail (épanouissement ou contrainte) et l’acte d’entreprendre. Sans doute, il n’est pas aisé de construire un projet entreprenarial, entre les contraintes administratives et financières, et le dédain anti-patrons de l’opinion publique française, mais il n’est pas possible de continuer à « monter » ou maintenir des entreprises qui ne répondent plus à des besoins réels. Une prospective indispensable devrait aider à faire évoluer l’outil industriel. Liberté d’entreprendre, oui bien sûr, mais dans un contexte défini, anticipateur, en ayant à l’esprit la notion de service au bénéfice du plus grand nombre.