Est-ce se faire plaisir ou se faire du mal que de se souvenir que l’on a eu raison trop tôt ? Je prends le risque en ce début d’année 2010. De 1995 à 1997, j’ai eu l’occasion de collaborer, très modestement, à une revue agricole, « l’Agriculteur Moderne ». Après quelques articles sur les paysages, milieux naturels ou mesures de protection de l’environnement, j’avais proposé un article sur « L’agriculture et les pollutions » : refusé et fin de la collaboration… Voici l’essentiel de ce texte d’il y a 12 ans, chacun en tirera les conclusions qu’il souhaite :
Après des décennies d'effort généralisé pour lutter contre les pollutions de toutes sortes, les résultats sont souvent tangibles, mais l'actualité nous rappelle combien ces succès sont fragiles. A cet égard, l'agriculture est longtemps restée en dehors du "banc des accusés", mais la voilà à son tour montrée du doigt, après les activités industrielles.
Une situation de plus en plus préoccupante : L'eau, l'air, les sols peuvent véhiculer des substances néfastes à l'environnement et préjudiciables à la santé. Lorsque l'on pense pollution liée à l'agriculture, on songe d'abord à l'eau du fait de l'incidence des nitrates. La Haute-Normandie affiche des résultats à tendance positive en ce qui concerne l'altération liée aux matières azotées, bien que de nombreux secteurs révèlent encore des teneurs excessives.
L'inquiétude à propos des pesticides : Les produits chimiques (herbicides, fongicides, insecticides...) destinés à détruire les vecteurs de maladies des plantes et à protéger les cultures des parasites et des mauvaises herbes, sont utilisés en masse depuis les années 60. La France est le deuxième consommateur mondial, derrière les Etats-Unis, avec 95 000 tonnes annuelles de substances actives. La Haute-Normandie est l'une des régions les plus consommatrices, après le Nord, la Picardie et la Lorraine (Selon Agreste, enquête pratiques culturales 1994). En 1991, l'enquête menée par le Ministère de la Santé a révélé que 30 des mesures faites sur les ressources en eau potable, au niveau national, étaient supérieures à la norme européenne de 0,1 mg de pesticides par litre d'eau. Dans l'Eure, en aval de Chartres, on a pu mesurer jusqu'à 14 mg par litre !
Vers quelle évolution ? : En matière de prévention, la France est très en retard sur de nombreux pays européens qui tendent à réduire systématiquement le volume des produits phytosanitaires employés. Au-delà des méthodes curatives, c'est vers une politique de prévention qu'il convient de s'engager. La promotion de méthodes alternatives aux moyens chimiques, l'encouragement à une agriculture "raisonnée", l'aménagement de l'espace rural qui respecte les haies, talus et fossés, la gestion "douce" qui met la santé de l'homme et la protection de l'environnement au centre de la problématique de production agricole, voilà quelques voies où s'engager. Cette "agriculture nouvelle" (qui pourrait bien s'apparenter à l'agriculture traditionnelle) devrait s'appuyer sur un cahier des charges rigoureux qui engage dans la fertilisation raisonnée, les économies d'eau, l'utilisation de produits phytosanitaires moins polluants et à doses réduites, le recyclage des emballages, la collecte des huiles usagées, la protection des haies, du gibier, la formation du personnel...
Un certain nombre de ces recommandations ont été mises en œuvre depuis, mais chacun sait tout le chemin qui reste à parcourir…