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  • : Le blog de Michel Lerond
  • : Libre opinion sur les questions d'actualité en environnement et développement soutenable
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  • Michel Lerond
  • Ecologue et essayiste. Dans notre pratique professionnelle, nous avons pu contribuer, notamment, à un meilleur accès à l’information sur l'environnement.

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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 09:06

Elle était d’une famille de 6 enfants. Dès l’âge de 14 ans, elle fut « placée » pour travailler, toute la semaine, avec pour congé le dimanche entre la traite des vaches du matin et celle du soir. Elle pouvait alors rejoindre ses parents, à pied, à une dizaine de kilomètres et revenir avant 16 heures à la ferme où elle travaillait. Pour tout salaire elle était nourrie, logée et « blanchie ». Le cadeau de Noël, c’était le plus souvent une orange ou un sucre d’orge. Elle s’est mariée à 20 ans et très rapidement est venue habiter une maison modeste, elle a eu tout de suite son premier enfant, suivi de 17 autres dont 15 ont survécu.

Dans la petite maison il n’y avait que deux pièces (à peine 40 m2), une chambre et une cuisine-salle à manger. Toute la famille dormait dans la même chambre, jusqu’à ce que le propriétaire aménage une chambre dans les dépendances pour les parents et les nourrissons (13 m2). Il n’y avait pas d’électricité ni d’eau courante, ni bien sûr de radio ou télévision. L’éclairage était assuré par une lampe à pétrole dans la chambre et une lampe à gaz dans la cuisine. L’eau était puisée dans le puits d’un pré voisin, à condition d’escalader la barrière afin de ne pas prendre de risque avec le bétail. L’eau était transportée avec deux seaux (20 kg) sur 250 mètres pour la ramener à la maison. Les jours de lessive, le linge et les baquets étaient emmenés dans le chemin, près de la barrière, afin de limiter les transports d’eau. Une cuisinière à bois et charbon assurait le chauffage et la cuisson.

Dehors, deux ou trois chèvres procuraient le lait nécessaire, des poules et lapins apportaient œufs et viande, complétés par les légumes du jardin. La « boisson » (cidre coupé) constituait le breuvage de toute la famille.

Mais où donc se déroulait cette scène de la vie rurale ? Dans une contrée lointaine ? Il y a très longtemps ? Pas exactement, cela se passait entre 1942 et 1962, au hameau du Point du Jour, en Pays de Bray. Il se trouve que cette maison… je l’habite, avec mon épouse. Nous l’avons agrandie et quasiment refaite. Nous avons l’électricité, l’eau courante, la radio et la télévision et même internet. Ces éléments de la « petite histoire » nous permettent de relativiser certaines choses. Cela se passait au milieu du 20ème siècle, dans une famille modeste certes, mais pas misérable, assez ordinaire somme toute, dans un « grand » pays, la France, où l’on a qualifié cette période des « trente glorieuses ».

Modérane nous a quittés dans les derniers jours de 2009, à 87 ans, laissant derrière elle 12 enfants vivants, 32 petits-enfants et 14 arrière-petits-enfants. Ceux-là sauront, mieux que d’autres sans doute, apprécier les progrès accomplis dans notre vie de tous les jours en 50 ans, et relativiser la fragilité de notre société de consommation à tout-va.

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commentaires

K
<br /> aujourd'hui, ceux qui vivent dans une situation de simplicité volontaire (un toit et des conditions proches mais meilleures que celle de Morédane -eau courante, minimum d'énergie), sont traité par<br /> le reste de la société de "demis-fous".<br /> Les ressources en matières premières étant finies et les besoins humains dans un modèle de croissance constante plus ou moins forte infinie, gageons que nous devrons réapprendre un jour le bonheur<br /> selon Morédane...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Vous avez raison Kerloen. D'ailleurs dans nombre de pays du Sud aujourd'hui, Modérane ferait figure de "privilégiée"... Comme quoi tout est relatif dans le temps et vous avez (je le crains un peu)<br /> sûrement raison de penser que cela pourrait revenir, aussi pour nous gens du Nord.<br /> Michel<br /> <br /> <br />
T
<br /> PS : je suis évidemment partisan d'une société qui organise davantage la solidarité, à tous les moments de la vie. Je regarde exceptionnellement la TV, mais un soir, j'ai vu une émission qui<br /> montrait des adolescents qui avait du renoncé à faire les études qu'ils souhaitaient parce qu'elles étaient trop chères pour leurs parents. Je trouve cela inacceptable, de même que le développement<br /> d'une médecine à x vitesses, selon que vous êtes puissants et misérables...<br /> A+<br /> Thierry<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Bonjour Michel, bonjour à tous,<br /> Cette histoire me touche. Et d'autant plus qu'elle se situe dans le pays de Bray, d'où vient ma famille maternelle, et auquel je suis attaché.<br /> Simultanément, en 2010, des quantités impressionnantes de gens vivent des conditions matérielles encore bien plus mauvaises, au milieu de l'opulence.<br /> Sommes nous capables de faire cesser ce scandale permanent ?<br /> J'aimerais être plus généreux et savoir comment agir plus efficacement en faveur de tous les déshérités, au delà des dons - nécessaires mais insuffisants - aux ONG qui viennent à leur secours,<br /> comme elles peuvent.<br /> Je suis admiratif de ceux qui se donnent complètement, ou au moins largement, dans le partage et la solidarité.<br /> Thierry, Picardie<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Merci Thierry pour vos deux commentaires. Il est vrai que la situation contemporaine est parfois touchante et révoltante. Qu'y faire ? Je n'ai pas de réponse toute faite, mais bien sûr la<br /> solidarité doit jouer, sans doute davantage et mieux répartie qu'elle ne l'est actuellement. C'est le "boulot" des politiques et aussi de chacun de nous en restant vigilant par rapport aux mesures<br /> prises et en étant peut être plus exigeant dans notre vie professionnelle, personnelle et citoyenne. Il y a encore du boulot !<br /> Voir aussi ma réponse à Danielle juste avant.<br /> Michel<br /> <br /> <br />
D
<br /> Une histoire de vie dont la proximité, oui, aide ceux qui vivent mieux à relativiser.... Mais hélas, l'histoire semble marcher à reculons, car il y a de plus en plus de Modérane, de nos jours, avec<br /> moins d'enfants sans doute, mais sans toit aucun : des familles entières, avec ou sans emploi, n'ont aucun logement....Et curieusement, les médias ne parlent plus, depuis que le froid a imposé sa<br /> Loi sur notre pays, de ces sans abris de plus en plus nombreux victimes d'un retour "en force" de l'hiver ... de notre régime social !<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Merci Danielle. Je voulais surtout "témoigner" de l'évolution de notre société, en n'oubliant pas toutefois la différence d'époque et de besoins. A l'époque de Modérane, malgré leur<br /> apparente "pauvreté", les gens étaient heureux. Je l'assure pour l'avoir entendu de plusieurs des enfants de Modérane venus revoir leur maison d'enfance. Cela dit, tu as raison sur ce retour<br /> de "l'hiver social" que tu évoques et devant lequel nous nous sentons assez impuissants. Il y a au moins consensus sur le constat : le fossé se creuse entre "riches" (pas forcément très riches) et<br /> "pauvres" (de plus en plus nombreux et vraiment pauvres). Si on appelle les choses par leur nom, il s'agit bien d'un échec cuisant de notre société qui laisse ainsi beaucoup trop de monde sur le<br /> bord de la route...<br /> Michel<br /> <br /> <br />