Nous étions tout un groupe d’élus et de techniciens, partis de Rouen et du Havre pour visiter les nouveaux aménagements de Paris Tropiques. A notre arrivée en gare Saint-Lazare, Linda, chargée de communication à la mairie de Paris, nous invita à gagner les Champs Elysées par le métro. Descendus à la station de la place Clémenceau, nous fûmes tout de suite ébahis : la perspective depuis la Concorde jusqu’à l’Arc de Triomphe était devenue une coulée de verdure au sein de laquelle ne subsistaient plus que deux files de circulation automobile.
C’est qu’en effet, après la canicule de 2003 qui avait fait 15 000 morts en France, les responsables de l’aménagement urbain avaient fini par admettre qu’il faudrait bien faire avec les modifications climatiques et plutôt les anticiper pour s’en prémunir. A Paris, il fut décidé vers 2015 de planter la voirie, au moins en partie, dès qu’elle dépassait 15 mètres de largeur. Le but était de modifier l’aménagement urbain en vue d’atténuer les effets des futures canicules qui allaient être de plus en plus fréquentes. La végétalisation des chaussées et des terrasses d’immeubles permettait d’espérer une baisse des températures de 3 à 5° en journée pendant une canicule. A cela s’ajoutaient de nombreux plans d’eau de petites surfaces qui contribuaient à la régulation thermique. Cette eau servait aussi à l’arrosage des plantations et provenait, bien sûr, du recyclage des eaux usées. Cette opération de longue haleine avait été dénommée Paris Tropiques, allusion au Paris Plage d’autrefois qui, d’une certaine façon, anticipait ce grand mouvement. Aujourd’hui, en 2028, Paris avait pris un tout autre visage et attirait encore plus de touristes que par le passé, tant cela paraissait révolutionnaire. Après la baisse de la circulation automobile de 25 % pendant la première décennie du siècle, celle- était maintenant réduite au minimum et la ville avait des airs de campagne en majesté !
D’autres villes avaient les mêmes préoccupations, comme en Normandie. A Rouen, après que les quais aient été complètement réaménagés dans les années 2010-2015, il était question maintenant de déconstruire l’Ile Lacroix pour en faire un grand parc. Au Havre, la réflexion portait sur le verdissement d’une grande partie du port, après les tentatives réussies de transformation d’un bassin désaffecté en jardin aquatique.
L’un des membres de notre groupe, bien que très satisfait de cette visite, temporisait notre enthousiasme : il disait avoir visité Singapour au début du siècle, c’était une cité verte dégoulinante de verdure, offrant des jardins botaniques, des serres et même une forêt vierge privée… en pleine ville. Il avait même pu visiter l’hôtel Marina Bay Sands qui disposait au sommet, à 200 mètres, d’une piscine bordée d’un bois de palmiers ! Que la nature soit parmi les Hommes.