La Normandie est riche d’environ 170 jardins ouverts au public, présentant une très grande diversité en termes de plantations ou de styles. Ces jardins sont porteurs d’avenir, ils peuvent être regardés soit en termes de biodiversité (conservatoires d’espèces…), de pédagogie (itinéraires d’initiation…), de patrimoine (artistique, architectural…), de sorte qu’ils transmettent un message vers nos descendants. Ce sont, en quelque sorte, des « jardins pour le futur ». La plupart de ces jardins sont ouverts d’avril-mai à septembre-octobre, certains sont d’accès limité pendant la belle saison : seulement quelques jours, parfois sur rendez-vous uniquement (voir nos chroniques de mars à août 2010). Mais certains connaissent actuellement des difficultés économiques, exemples annonciateurs d’un malaise plus grand ?
Ainsi, le Parc des Moutiers, à Varengeville-sur-Mer en Seine-Maritime, est à vendre. C’est un des jardins les plus prestigieux de Normandie, créé par la famille Mallet en 1898 sur 12 hectares. L’ensemble est en parfait état, ouvert au public depuis 1970, classé jardin remarquable et monument historique (www.boisdesmoutiers.com). La nature acide du sol a permis l’introduction de nombreuses espèces rares, en contraste total avec la végétation locale (Rhododendrons de l’Himalaya, Azalées de Chine, Eucryphias du Chili, Erables du Japon...). Ces plantes, arrivées aujourd’hui à maturité, ont atteint parfois des tailles impressionnantes : jusqu’à 13 mètres de haut pour les rhododendrons. Une magnifique promenade dans un décor paysagé vallonné surplombant la mer.
De 52 000 entrées en 1999, le chiffre est tombé à 25 000 en 2010. Le jardin emploie de 2 à 15 salariés selon la saison et le déficit se compte en dizaines de milliers d’euros. Les propriétaires ne peuvent plus assurer et mettent en vente leur bien…
La crise génère aussi, sans doute, une économie des visiteurs sur des coûts d’entrée non négligeables (10 € par personne), mais ce pourrait être plutôt « la mode des jardins » qui, paradoxalement, est en train de… tuer les jardins. Ceux-ci sont devenus tellement nombreux que le public ne sait plus où donner des pieds et profite au maximum des journées promotionnelles à entrée gratuite.
Certes la plupart des jardins normands reposent davantage sur la passion des propriétaires et le souci de partager que sur un esprit mercantile. Mais il n’est pas rare qu’un jardin emploie un ou deux jardiniers une partie de l’année. Dans ce cas, il faut, a minima, que les billets d’entrée couvrent les frais de personnel. Ce n’est plus le cas dans un certain nombre de jardins, leur avenir est compromis…