Quel retour d’expérience après Tchernobyl ?
Le drame de Fukushima a fait prendre conscience des interactions très fortes entre ce qui est imputable à la nature et ce qui l’est à la technologie humaine. Aux Etats-Unis déjà, la fonte partielle du réacteur de Three Miles Island en 1979 avait tempéré les ardeurs des partisans du nucléaire. Puis vint l’accident de Tchernobyl (26 avril 1986) qui renforça fortement le scepticisme. Après Fukushima, le doute s’est encore renforcé, même en Chine, LE futur marché du nucléaire, où l’on envisage de sauter un pas technologique pour utiliser des techniques plus fiables.
Depuis 25 ans, à Tchernobyl et alentour, la vie a changé, toujours plus empoisonnée par cette radioactivité invisible mais omni-présente jusque dans les fantasmes. Ainsi circule la rumeur qu’après le drame, des avions soviétiques auraient provoqué des pluies artificielles pour « abattre » le nuage radioactif et ainsi protéger Moscou… Mais fantasme ou pas, trop de négligences ont été commises : évacuations tardives de populations, ou pas d’évacuation du tout, consommation de produits « naturels » très contaminés, comme les champignons, les myrtilles, ou les poissons, sans contrôle. Le nombre de cancers de la thyroïde augmente, comme diverses affections infantiles et le drame n’est pas achevé. Le réacteur de Tchernobyl doit être sécurisé au plus tôt, mais l’Ukraine n’en a pas les moyens financiers (coût total estimé à 1,5 milliard d’euros). La communauté internationale traîne les pieds pour abonder les financements et il manque encore près de 200 millions € pour construire l’arche destinée à recouvrir le sarcophage, réalisé à la hâte après l’accident, qui fuit et menace de s’effondrer. La France a promis 47 millions €, étant très concernée du fait que des entreprises nationales ont été retenues à l’appel d’offres. Cette arche, haute de 110 m, va mesurer 257x164 m et peser 30 000 tonnes. Elle devra tenir au minimum 100 ans avec une maintenance réduite. C’est un défi technique considérable qui doit permettre à l’Ukraine de « bénéficier » d’un siècle pour imaginer l’ingénierie à même de résoudre définitivement le problème de déconstruction de la centrale.
Juste à côté, en Roumanie, la centrale de Cernavoda a été construite pendant l’ère Ceausescu avec la promesse qu’elle serait « la plus sûre du monde » (premier réacteur en service en 1996). Mais les problèmes de sécurité se multiplient et cette centrale est construite dans une zone sismique ! Au point que les trois entreprises franco-germano-espagnole associées au projet se sont retirées début 2011 devant l’ampleur des problèmes. A-t-on vraiment tiré toutes les leçons de l’accident de Tchernobyl ? A suivre