Pour terminer cette « séquence nostalgie », je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager cette dernière relecture de Jeunesse et Nature de 1963. C’est fou comme le temps efface les souvenirs. Comment croire que j’aie pu écrire cela… il y a 50 ans ? La preuve, s’il en était besoin, que notre mémoire nous trahit sans cesse et qu’il convient de s’en méfier, que la société change, mais peut être pas aussi vite qu’on l’imagine :
VOILA LES JEUNES D’AUJOURD’HUI :
Les problèmes de la jeunesse se sont sans doute posés à toutes les époques, mais le XXème siècle bat les records. La jeunesse est devenue parfois mauvaise et meurtrière, mais aussi souvent bonne et sympathique. Bien que la presse quotidienne dise beaucoup de mal de la jeunesse actuelle, des journaux spécialisés nous laissent augurer un avenir peut-être meilleur qu'on ne veut le croire.
En effet, si l’on ne lit que les journaux quotidiens, on a l'impression que la jeunesse décline dans un vandalisme qui ne nous laisse aucun espoir pour l'avenir. On lit dans les journaux des articles angoissants. J'ai pu relever dans un quotidien régional, en l'espace de quatre mois : 9 pillages, 4 attaques à main armée, 20 vols, 4 crimes, 9 méfaits divers, soit 46 méfaits, tout cela commis par des jeunes de 15 à 20 ans . Voilà ce que nous append la presse quotidienne. Sans doute abuse-t-elle en informant le public des méfaits des jeunes et en passant trop souvent sous silence les bienfaits d'autres jeunes, mais il n'y a pas de fumée sans feu et cette jeunesse de bas étage existe tout de même. Oui, la mauvaise jeunesse existe ; et si la presse abuse, elle est tout de même là pour le prouver : "Sauvage attaque de Teddy Boys dans un club de danse anglais" ; "Festival de Rock n'Roll au Palais des Sports : 2 000 fauteuils cassés, arbres déracinés, voitures renversées, trois millions de dégâts" ; "Sa 4 CV trouée de balles, un jeune voleur de voitures est arrêté par la police" ; "Quatre bandits de 16 et 18 ans avaient commis 12 vols, 6 cambriolages et 4 attaques a main armée". Ces "faits divers" bien que terrifiants ne nous étonnent plus guère tant ils sont courants. On s inquiète quelque peu tout de même quand il y a un crime de commis : "Une jeune fille de 19 ans tue son père à coups de hache" ; "Un étudiant belge tue son père et sa mère" ; "Victime de blousons noirs un lycéen lyonnais est mort". Ou bien encore, en lisant ceci : "Aux Etats-Unis, un enfant de 8 ans avoue avoir violenté puis étranglé une fillette de 4 ans". Ce n’est la qu'un aperçu de la situation, car bien des articles passent inaperçus et tous les actes de vandalisme ne sont pas rapportés dans la presse. Mais pourquoi donc tant de jeunes en arrivent-ils là ? Essayons de voir ensemble brièvement les raisons diverses de tous ces bas actes. Une jeune fille a tué son père parce que celui-ci voulait tuer sa femme ; 2 blousons noirs ont tué un garçon de 16 ans parce qu'il était intervenu quand les voyous voulaient embrasser de force sa soeur de 15 ans ; le rock'n-roll déchaîne un public très jeune qui va jusqu'à déraciner des arbres !... Bien sûr, des voyous volent pour se procurer de l’argent ; d'autres tuent à cause d'un drame de famille, pour se détendre, ou bien souvent, sans réfléchir, comme si tuer était un acte innocent. Je crois que le climat du XXème siècle, ce siècle de la vitesse, de l'atome, y est pour quelque chose. Les jeunes ne suivent pas le rythme de ce siècle, ce siècle où la liberté de l'individu diminue chaque jour. En un mot, ces jeunes qui volent, qui tuent, ces jeunes qui semblent être sans conscience, ce sont des inadaptés... C'est sans doute là la principale cause de tout le vandalisme actuel. Bien souvent aussi, un manque d’autorité des parents est la cause de la mauvaise attitude de la jeunesse. Cela sans oublier les jouets de guerre et les mauvaises lectures qui influencent très mal les enfants et les adolescents.
Il existe des causes plus variées et plus compliquées de ce vandalisme, mais ces causes relèvent plus de la psychiatrie que d'un article sans prétention comme le mien. On parle beaucoup de la jeunesse dans le monde, parce que les jeunes y sont très nombreux, mais on laisse trop souvent de côté les bienfaits des jeunes, car "il n'y a pas de quoi se vanter de cela", dans la conversation. Aussi entend-on trop souvent "Voilà les jeunes d'aujourd'hui" pour désigner des voyous, comme s'il n'y avait que des «blousons noirs», les bons jeunes ne manquent pourtant pas.
Les jeunes gens sympathiques, dynamiques et corrects ne manquent pas… mais ils sont… incompris. La presse décrit tant les mauvais, que les bons sont oubliés et incompris quand ils essayent de se distinguer par des réalisations petites ou grandes et parfois hardies. Ces réalisations sont souvent belles et exemplaires : "Une fillette de 11 ans sauve sa soeur de la noyade" ; "500 jeunes font revivre le vieux château des Guise" ; "Les jeunes s'y mettent, opération pelle de charbon" ; "10 jeunes de 16 à 18 ans lancent un club d'aéronautique" ; "A Nantes, 1 500 jeunes ont applaudi un festival de 5 heures organisé par des jeunes" ; "Un garçon de 16 ans sauve in extremis son petit voisin tombé dans la Seine". Ce ne sont que des titres relevés au hasard dans des revues de jeunesse. Dès qu'on entre dans le détail, on s'aperçoit que ces actes, ces réalisations sont d'une grande noblesse… Après avoir pris connaissance de tels dévouements, de tels actes, n'a-t-on pas envie de louer ces braves jeunes, et de crier partout notre joie, notre amour de la bonne jeunesse, en rejetant à tout jamais les voyous et les blousons noirs qui ne méritent même pas qu'on parle d'eux ?
Après cette brève enquête sur la jeunesse de 1962, il faut conclure. J'emprunterai ma conclusion à M. J. Fabre, Président de la Société Nationale des Anciens et Amis de la Gendarmerie, qui s’exprimait ainsi dans le Bulletin de sa société : «On parle trop des blousons noirs et pas assez de la jeunesse saine, qui représente la vraie France de demain, dont les autres ne seront un jour que le déchet. Or cette jeunesse est admirable, elle est studieuse, propre au physique comme au moral, ardente dans ses sentiments, capable de magnifiques dévouements».
La France est sans doute dépassée maintenant, mais soyons conscients que la jeunesse de l’Europe et du monde n’est pas composée que de voyous. Quant à ces JV, M. Fabre propose un remède pour eux : «Si les familles et la société essayaient le coup de pied quelque part, quant il est mérité ?...»