Il est désagréable pour nombre de gens, dont les agriculteurs bien sûr, de rappeler sans cesse que l’agriculture est devenue trop souvent nuisible à l’environnement et la santé. C’est une triste réalité évoquée de façon récurrente à propos des pesticides, des OGM, de la dégradation des paysages et de la biodiversité. Mais est-ce une fatalité ou simplement une erreur d’orientation qui peut être corrigée ? Force est de constater que nous sommes face à un déni qui semble insurmontable.
Pourtant, si l’agriculture peut être source de menaces sur les habitats et les espèces, elle peut aussi contribuer à leur maintien, comme les prairies naturelles humides, les landes et garrigues, les prés salés, etc. Certains systèmes agricoles sont considérés comme étant de haute valeur environnementale (HVE) parce qu’ils sont à l’origine de ces avantages. Ce concept de HVE est d’ailleurs reconnu par l’Agence européenne de l’environnement, repris dans la PAC 2013 et en France dans la Stratégie nationale pour la biodiversité. Il s’agit de zones où l’agriculture est une forme majeure d’utilisation de l’espace et où elle est à l’origine d’une grande diversité d’espèces et d’habitats. Hélas, en 30 ans, ces zones ont considérablement reculé en surface. Aujourd’hui, les régions françaises les mieux représentées sont celles de polyculture-élevage comme la Corse et le Limousin (plus de 85 % de la surface agricole utile) ; les moins représentées étant l’Ile-de-France (0,5 %), le Nord-Picardie (3 %), et la Haute-Normandie (6 %).
Le soutien aux systèmes agricoles HVE est sans conteste une voie d’avenir, d’autant plus qu’une politique coordonnée avec Natura 2000 peut renforcer cette contribution forte à la restauration de la biodiversité. Cette démarche va de pair avec une révision des systèmes de production qui visent un faible niveau d’intrants (engrais et pesticides), la diversification des espèces cultivées et le maintien d’une biodiversité sauvage. Cela est possible, comme le démontrent deux agriculteurs de Bréauté (Seine-Maritime) en évoluant vers le « zéro intrant » afin de réduire les « impacts dévastateurs » et… les coûts ! (Paris-Normandie du 5-10-2012) Il s’agit, en fait, de réinscrire les processus culturaux dans le fonctionnement des écosystèmes, comme cela se pratiquait assez spontanément autrefois. Le principe est toujours le même : composer avec la nature, plutôt que s’y opposer, même si ce n’est pas toujours simple. Cela suppose également de revoir le relationnel sociologique et économique entre les acteurs des territoires : agriculteurs entre eux, agriculteurs et industriels et aussi agriculteurs et semenciers. Là encore, revenons aux fondamentaux, quel est l’objectif ? Faire du fric pour certains groupes ou nourrir la population de façon équitable et équilibrée ?