Par les temps qui courent, devant le manque de places dans les cimetières et les contraintes que cela procure, l’incinération gagne du terrain. C’est ce qui vient de se produire pour le projet de Parc Naturel Interrégional du Pays de Bray… En effet ce projet semble bien définitivement enterré comme l’affirme la presse régionale. Mais, par ailleurs, l’incinération du bois, en provenance notamment des haies, se poursuit allègrement sans anticipation du renouvellement de la ressource...
Comme j’ai eu l’occasion de le répéter depuis plus d’une décennie, un projet de PNIR pour le Pays de Bray, à cheval sur la Normandie et les Hauts de France était à l’évidence une bonne idée… il y a 40 ans ! Depuis le monde a évolué, les structures territoriales aussi et les enjeux environnementaux sont à prendre en compte à grande échelle et non plus sur des territoires limités et privilégiés, compte-tenu de l’urgence.
« Sauvons les haies, brûlons les » est un excellent slogan qui invite à réaliser combien les haies des pays de bocage peuvent être une ressource abondante en matière de chauffage. Le message a été bien reçu, à tel point que l’on a construit des chaufferies à bois et incité les particuliers à se chauffer avec des pellets, mais sans mettre en place une stratégie de gestion et de replantation des haies qui ont été sauvagement agressées depuis des décennies, pour diverses raisons. Maintenant, il y a pénurie de bois de chauffage, ce qui contraint parfois à en importer d’Europe de l’Est…
Alors que faire ? J’ai proposé depuis longtemps d’élargir la finalité des PNR (Proposition 21 de « Les clés de notre avenir » - Editions Persée - 2020) : L’expérience des PNR (créés en 1967) ayant pleinement réussi, il est grand temps de l’étendre à tout le territoire régional. D’autant plus, qu’entre temps, nombre d’EPCI (Etablissements publics de coopération intercommunale) ont pris le relai avec des initiatives toujours plus nombreuses en matière d’énergie, de transport ou d’aménagement du territoire. Les « Clés de notre avenir » acquis des PNR doivent maintenant bénéficier à l'ensemble du territoire pour qu’ainsi chaque région française soit un Parc naturel régional. Dans un premier temps, les territoires régionaux doivent bénéficier de mesures de protection des espèces et espaces en totalité. Ces mesures drastiques seront complétées et atténuées par la définition de zones affectées à l’habitat, aux communications, aux entreprises, etc. Cette conversion, graduelle, devra être mûrement réfléchie pour refonder notre conception de l’usage des espaces naturels.
De fait, cette démarche est déjà amorcée par l’Etat français avec le lancement en 2019 des « Territoires engagés pour la nature » qui visent à « faire émerger, reconnaître et accompagner des projets en faveur de la biodiversité portés par des collectivités ». De plus, à l’échelle régionale justement, on constate la présence d’agriculteurs, propriétaires ruraux ou membres d’associations qui prônent la replantation de haies et qui passent à l’action. Lorsque l’on se souvient que depuis l’an 2000, environ 90 km de haies ont disparu chaque année en Pays de Bray (70 % des haies normandes ont été détruites depuis 1970, dont 1 200 km par an pour le département de la Manche !), il y a du boulot pour reconstituer, sur des bases renouvelées, un bocage aux vertus multiples. Mais quel challenge ! Comme j’ai eu l’occasion de le dire au Président de Région : la Normandie Parc Naturel, voilà un projet qui aurait de la gueule !
Et alors plus d‘enterrement ni d’incinération irréfléchie, mais une reconstruction de notre environnement sur tout le territoire, en prenant en compte la temporalité de la nature, plus que l’urgence du business ou du greenwashing…
A cet égard, la COP15, conférence des Nations Unies pour la biodiversité réunit actuellement 190 pays à Montréal avec le but de faire aboutir une vingtaine de projets visant à sauvegarder les écosystèmes d’ici 2030, avec cependant bien des incertitudes sur les financements de ces actions… Pourtant les défis sont considérables avec un million d’espèces menacées d’extinction dans le monde et des facteurs d’accélération comme les sols très dégradés, les pollutions et le dérèglement climatique. Un espoir toutefois avec le discours fort d’Antonio Gutteres, Secrétaire général de l’ONU qui a déclaré : « Avec notre appétit sans limite pour une croissance économique incontrôlée et inégale, l’humanité est devenue une arme d’extinction massive ». A suivre...