Toute petite déjà, elle était enjouée, enjôleuse même et déterminée, indépendante.
Depuis le jardin corrézien de son enfance, elle apercevait, très très loin, le massif du Sancy. De longue date, elle sut que c’était là qu’elle s’installerait un jour. Ce qu’elle fit.
Elle était devenue « sourilleuse ». Ce nouveau métier, dont le nom résultait de la contraction de sourire et travailleuse, avait acquis ses lettres de noblesse depuis que ces gens-là avaient révolutionné les campagnes en apportant des services aux plus âgés, aux plus démunis ou simplement aux habitants d’un petit territoire. Tantôt infirmière ou assistante sociale, elle était aussi l’animatrice d’un réseau rural d’entraide, de convivialité, voire d’amitié ; elle était le sourire de son pays, tour à tour conseillère et confidente.
Son compagnon, rencontré dans les monts Dore, était paysan. De cette « nouvelle race de paysans » qui avait contribué à réinventer une agriculture de proximité, respectueuse du milieu naturel, prodigue en fruits, légumes ou volailles de qualité, mais aussi en paysages restaurés.
Ainsi ensemble, ils avaient contribué à retisser un lien social très fort dans les campagnes, en harmonie avec la nature.
Un jour que le soleil sombrait enfin sur le plateau de Millevaches, après une journée harassante de chaleur, Emma regarda son compagnon fixement dans les yeux, avec son sourire, toujours séducteur et un rien dominateur. Elle le fixa longuement, sans mot dire, puis d’une voix douce et décidée, lui déclara : « fais-moi un enfant, maintenant on est sûr qu’il pourra être heureux dans ce pays que nous avons mis si longtemps à reconstruire ». Et… le monde allait pouvoir continuer.