Pendant longtemps, on a cru que le développement et la croissance étaient porteurs de seuls bienfaits, malgré les avertissements du Club de Rome il y a ... 37 ans. Maintenant que la Crise est là, durable, la cassure de la société est évidente.
Notre société souffre avant tout d'un déficit chronique de diagnostic et d’évaluation, indispensables à la résolution des crises. Avant de rechercher une solution, encore faut-il bien poser le problème. L’analyse de la situation, trop souvent compartimentée, doit être complétée d’une réflexion globale afin de permettre de renouer les fils entre des secteurs spécialisés.
Cela est particulièrement vrai dans les domaines de la médecine ou de l’environnement, souvent mis en parallèle à juste titre : la somme de spécialités pointues ne permet pas de vision globale, seule possible par la synthèse d’un généraliste, non pas compétent en tout, mais capable de comprendre et d’établir les liens nécessaires. Le généraliste est celui qui redonne de la cohérence aux faits, qui les rend intelligibles et qui permet l’action ensuite. Ce n’est pas pour autant un « touche à tout » qui survole les problèmes, au contraire c’est un « spécialiste » qui sait établir les ponts, mettre à jour les complémentarités et les contradictions.
Le système de formation ne facilite pas l'évolution nécessaire en reproduisant les élites dirigeantes à l'identique, trop souvent enfermées dans une spécialité coupée de son contexte. Notre société manque de généralistes, capables de réduire la complexité inévitable des choses. Les économistes ou les politiques devraient être considérés comme des généralistes, mais restent trop contraints par des systèmes de pensée idéologique, voire dogmatique.
Montaigne a toujours raison en assurant qu’une « tête bien faite vaut mieux qu’une tête bien pleine », tout comme Edgar Morin, le sociologue et philosophe adepte du décloisonnement des savoirs. L’école qui enseigne l’analyse devrait aussi enseigner la synthèse et la mise en relation, aller vers une culture plus générale, ce qui suppose aussi de faire évoluer les formateurs.
Croire que l’on va solutionner les problèmes ardus auxquels nous sommes confrontés avec les seuls spécialistes est un leurre. Plus que jamais il faut passer d’une société des connaissances spécialisées à une société de LA connaissance, celle qui permet de transcender les spécialités. Cela passe, entre autres, par redonner le goût des sciences, le sens de la rationalité scientifique. Certes l’école doit apprendre à « lire-écrire-compter », mais elle doit aussi apprendre à raisonner globalement.