Voilà bien longtemps déjà que le fossé se creuse entre les élites et les citoyens. Qu’il s’agisse de prospective climatique ou de gestion de la crise économique, le scepticisme s’installe. Sur le plan politique, c’est pire encore. Lorsque les affaires
récentes, touchant plusieurs membres du gouvernement, montrent à quel point la collusion est grande entre pouvoir et argent, le citoyen de base a du mal à accepter les restrictions liées à la rigueur. Par ailleurs, et quoi qu’en disent les statistiques officielles, chacun ressent l’insécurité qui se répand sur tout le territoire, y compris dans les villages, les délinquants n’hésitant plus à faire usage d’armes à feu. Quand, en plus, les plus hauts dirigeants du pays font l’amalgame entre délinquance et « Français d’origine étrangère », le discours politique devient inaudible.
Tout ce contexte d’une présidence de type berlusconien rend le climat politique assez irrespirable. A tel point que des policiers ont tourné le dos au président lors d’un hommage à un policier tué, au motif de trahison (Melun le 23-03-10) ; qu’un hebdomadaire a pu titrer, à propos du président, « Le voyou de la République » (Marianne du 07-08-10) ; que l’ONU a critiqué la France pour « recrudescence notable du racisme et de la xénophobie » (Le Monde, 13-08-10) ; qu’un chanteur de RAP a pu titrer un vidéo-clip « Tirer sur les keufs » (nouvelobs.com 13-08-10). Tous ces incidents disparates construisent une image de la France qui explique que leurs dirigeants soient devenus la risée d’une grande partie du monde, comme en témoigne la lecture de la presse internationale. Cette grande nation, celle des droits de l’homme, est encore une puissance économique, mais ce n’est plus qu’à peine 1 % de la population mondiale. Cela ne demande-t-il pas retenue, modération et humilité plutôt qu’arrogance…, Tout alors se déstabilise. De partout sont lancés des appels pressants. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, s’inquiète : « La société est en grande tension nerveuse » (Le Monde, 22-02-10). Bastien François, universitaire : « Les gouvernants qui ne jouissent plus de la confiance des gouvernés… doivent quitter le pouvoir » (Le Monde 22-07-10). Michel Rocard, ancien premier ministre : « On n’avait pas vu ça depuis Vichy » (Marianne 07-08-10).
Dans une véritable démocratie, une telle confusion amènerait les dirigeants politiques à présenter leur démission sans délai, par honnêteté, sens de l’honneur et respect de la paix civile. Après quoi il faudrait reconstruire. L’hymne national, dont les paroles sanguinolentes auraient dû être changées depuis longtemps, dit : « Entendez-vous dans les campagnes, Mugir ces féroces soldats ? » Entendez-vous dans les campagnes cette clameur qui monte, annonciatrice de bien des tourments. Faisons, tous ensemble, que ce pressentiment ne soit qu’un mauvais rêve vite oublié…