Depuis les origines, les paysans ont vécu leur métier avec un grand souci d’autonomie, malgré les aléas, liés au climat ou aux ravageurs des cultures. Pendant longtemps, le paysan entendait assumer seul ses affaires, même s’il était assez enclin à se plaindre de tous ces aléas qui lui compliquaient la vie. Cette image colle à la peau des paysans depuis toujours : besogneux et râleur.
A partir de la moitié du 20ème siècle, la mondialisation des marchés a généré une révolution, avec des contraintes administratives et économiques nouvelles. La mise en place de la Politique agricole commune, en 1957, avait pour objectif de rééquilibrer les choses, mais les agriculteurs ont souvent vécu ces évolutions avec difficulté. En effet, on est passé progressivement d’une politique de soutien des prix à une politique de soutien des revenus en subventionnant les agriculteurs, ce qui en fait pour partie des « fonctionnaires » de l’agriculture, sentiment insupportable pour eux. De plus, la grande distribution et l’industrie agro-alimentaire tendent à réguler le marché, souvent aux dépends des producteurs agricoles, qui se sentent de ce fait déconsidérés.
Toute cette pression est bien difficile à supporter et explique que le taux de suicide ait autant augmenté ces dernières années : 500 suicides pour les années 2007-8 et 9, soit la 3ème cause de décès après les cancers et maladies cardiovasculaires, les plus concernés étant les éleveurs. Il en est de même en Grande Bretagne, aux Etats-Unis et surtout en Inde qui détient le record mondial avec 250 000 suicides de paysans pour la période 1995-2010 ! Après la mondialisation économique, on constate une mondialisation sociologique, les causes de ces suicides étant partout liées aux conditions économiques, aux caprices du climat et à la déconsidération des paysans dans la société.
Nous ne pouvons pas rester sans réagir devant cette situation qui concerne une activité aussi primordiale que nourrir la population. Une évolution est nécessaire pour les agriculteurs d’abord, mais aussi pour l’ensemble de la société. Les agriculteurs sont plutôt des taiseux, mais ils doivent accepter de dialoguer avec la population. Le débat doit porter sur les questions environnementales (impact des intrans sur la santé), économiques (subventions allant jusqu’à 97 % en 2005 pour l’ensemble de la « ferme France »), et sociétales (l’agriculture perd 2 à 4 % d’emplois par an, alors qu’elle devrait en créer avec les productions de proximité notamment). C’est pour envisager collectivement les réponses à ces questions qu’un débat doit s’instaurer au niveau européen, pour préciser ce que nous sommes prêts à accepter, ou pas, en matière de pratiques agricoles, et qui rémunère les agriculteurs, les contribuables (par la PAC) ou les consommateurs, au prix réel ?
L’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Rouen a attribué son prix 2013 du dévouement à un couple d’éleveurs brayons, M. Mme Domont. Cette même Académie recevra le vendredi 9 janvier 2015 à 14h30 M. Xavier Beulin, président de la FNSEA qui donnera une conférence sur le thème « Quel avenir pour l’agriculture française ? » http://www.academie1744-rouen.fr/programme-des-activites/