Depuis la création de ce blog, en 2017, je n’ai cessé de répéter qu’il était nécessaire d’avoir un débat national, et si possible européen, à propos de l’évolution de l’agriculture… Le 1er décembre 2009 j’écrivais dans Evaluer l’agriculture ? : Quel est le bilan réel de l’agriculture française ? Quel bilan écologique, quand le recours aux intrans et aux pesticides est très important avec ses conséquences sur l’eau, les sols et la santé ; quand les pratiques intensives conduisent à l’érosion des terres et parfois aux inondations. Quel bilan économique quand la production agricole est rémunérée davantage par le contribuable que par le consommateur ; quand les « dégâts collatéraux » sont pris en charge par la collectivité et non par leurs auteurs. La profession agricole et les chambres d’agriculture sont les mieux placées pour faire preuve de ce courage politique qui consistera à mettre en œuvre une évaluation complète et objective de l’activité agricole. Et encore en avril 2012 avec la chronique Repenser l’agriculture pour le futur, puis en septembre 2014 dans la chronique Pour un débat public sur l’agriculture : Le débat doit porter sur les questions environnementales, économiques, et sociétales. C’est pour envisager collectivement les réponses à ces questions qu’un débat doit s’instaurer au niveau européen, pour préciser ce que nous sommes prêts à accepter, ou pas, en matière de pratiques agricoles, et qui rémunère les agriculteurs, les contribuables (par la politique agricole commune, PAC) ou les consommateurs, au prix réel ? Et enfin, en janvier 2015, L’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Rouen recevait Xavier Beulin, président de la FNSEA pour une conférence sur le thème Quel avenir pour l’agriculture française ? J’étais chargé de débattre avec lui et je lui proposais alors ce débat public… qu’il jugea inutile.
Mais nous y voilà : du 23 février au 31 mai 2020, la Commission nationale du débat public (CNDP) lance un grand débat national sur l'agriculture, alors que la France doit publier sa stratégie nationale dans le cadre de la nouvelle PAC. La population va être amenée à donner son avis sur ce sujet complexe et important. La CNDP a été saisie par le ministre de l’agriculture, qui doit envoyer sa stratégie nationale à Bruxelles d’ici fin octobre 2020. Pour la nouvelle PAC 2021-2027, chaque Etat est tenu de respecter 9 priorités, c’est une obligation légale :
- Favoriser des revenus agricoles viables,
- Améliorer l’adaptation au marché,
- Améliorer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur,
- Contribuer à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique,
- Favoriser la gestion efficace des ressources naturelles,
- Contribuer à la protection de la biodiversité,
- Attirer les jeunes agriculteurs,
- Favoriser le développement dans les zones rurales,
- Améliorer la réponse du secteur en matière d’alimentation, de santé et de bien-être animal.
Les choses bougent ! C’est la première fois qu’un grand débat public est organisé en France sur l’agriculture. Ce débat va devoir s’appuyer sur la réponse à 6 questions, en espérant que l’on passera vite du débat à l’action… :
- Quels modèles pour l’agriculture française ?
- Quelle agriculture pour 2021-2027 ?
- Quelle transition agro-écologique ?
- Qu’est-ce que je mange ?
- Comment cohabiter dans les campagnes ?
- Qui décide de la politique agricole ?
Le débat se déroulera selon 4 modalités :
- Sur internet, via un site ouvert jusqu’au 31 mai. Chacun pourra y faire une proposition en ligne, ou simplement donner un avis. Les internautes pourront aussi évaluer les 9 priorités de la nouvelle PAC, de «très prioritaire» à «pas du tout prioritaire».
- Deuxième pilier du débat : une Assemblée citoyenne sur l’agriculture sera composée de 140 personnes tirées au sort, sur le modèle de la Convention citoyenne pour le climat. Ils travailleront un seul week-end, du 27 au 29 mars, pour émettre des propositions.
- Troisième pilier : 30 débats publics seront organisés dans toutes les régions de France, outre-mer compris, selon un agenda rendu public le 23 février, lors du lancement officiel du débat national à l’occasion du Salon de l’agriculture.
- Enfin, des débats maison pourront être organisés dans les familles, établissements scolaires et universitaires, entreprises, communautés, selon des règles définies par la Commission.
Ces discussions devraient faire émerger les priorités des Français pour l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation. Le compte-rendu définitif du débat sera rendu public le 31 juillet et transmis à l’exécutif. Le gouvernement aura ensuite 3 mois pour publier officiellement sa réponse. Je ne suis pour rien dans cette initiative, mais permettez-moi d’exprimer deux satisfactions : de voir émerger enfin une idée simple, qui aura pris (comme très souvent) seulement 20 ans…, et de constater, une fois de plus, combien l’Europe est prédominante en matière de politique environnementale, quoi qu’on en dise. On attend la suite !