La Normandie est la première région française pour sa part de surface agricole (70% de la surface régionale) : 2 millions ha concernant 29 000 fermes exploitées par 59 000 agriculteurs. Cette région est donc significative des évolutions en cours. La profession agricole, et en particulier les Chambres d’agriculture de Normandie, se préoccupent des conséquences du dérèglement climatique et ont entrepris un diagnostic pour estimer l’impact sur les cultures et les filières. C’est dans ce but que dès cette année 2023 ont été entrepris des tests pour travailler les sols différemment, choisir des variétés de cultures plus résistantes à la sécheresse ou encore concevoir autrement les bâtiments d’élevage. Ces tests concernent une cinquantaine d’agriculteurs normands et dès 2024, entre 500 et 1 000 expérimentations sont prévues. Ces évolutions visent aussi à décarboner l’activité agricole et favoriser la vente directe. En la circonstance, la technologie apporte une aide précieuse, en particulier avec la numérisation permettant la collecte des données et leur exploitation pour construire des outils d’aide à la décision. Par exemple les photos satellitaires permettent d’adapter les apports d’engrais en fonction des besoins réels au niveau des parcelles. Il convient maintenant que l’agriculture participe à enrayer le déclin de la biodiversité et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (En France 20 % d’origine agricole). Les évolutions climatiques et la dégradation des sols sont des signes d’alerte, on constate tout de même une baisse de l’usage des pesticides et engrais chimiques, et c’est tant mieux !
La bifurcation est donc en cours avec des changements de méthodes comme l’apport d’effluents d’élevage aux cultures plutôt que des engrais chimiques, la pratique d’intercultures pour piéger les nitrates ou encore en revendant du colza à une entreprise proche de fabrication de biocarburants. De plus la replantation de haies et d’arbres contribue à restaurer les milieux dégradés. En Normandie, comme ailleurs, les idées fusent et les expériences se multiplient : utiliser les prévisions météo fines pour ajuster les pratiques, adjoindre des ruches à l’exploitation, regrouper les petites exploitations pour travailler en harmonie entre voisins, avoir le souci permanent de nourrir plutôt que produire, etc. Comme dans bien d’autres domaines, en agriculture aussi il faut tout ré-inventer, et l’agroécologie pourrait bien être une solution d’avenir en produisant de manière durable : limiter les labours et les monocultures, varier les semis entre des parcelles de tailles raisonnables, améliorer la fertilité avec les déjections animales, etc.
La démographie agricole est aussi une préoccupation quand on constate le vieillissement de la profession : on compte 400 000 agriculteurs de moins depuis 2019 ! Et la profession ne représentera plus que 2 % des actifs en 2030, contre 33 % en 1945 ! En conséquence le nombre de ferme diminue (-20 % en dix ans) et celles qui restent sont de plus en plus grandes, avec une orientation de plus en plus forte vers les grandes cultures mécanisées. Comment réorienter l’agriculture avec moins de bras, moins d’élevage, et plus de technologie ? L’agriculture, vecteur important de vie sociale et économique dans le monde rural, doit redevenir attractive. Cela nécessite, entre autres, de faciliter l’accès aux terres pour les « néo-paysans ». Là comme ailleurs, c’est au final le « consom’acteur » qui doit prendre son destin alimentaire en main en achetant un peu moins, mais à proximité et de qualité. Plutôt le mieux que le plus ! Nous sommes tous responsables !