Il est frappant de constater combien il est rare de voir mentionner dans les catalogues des pépiniéristes les qualités requises du sol pour planter des végétaux. Pourtant les plantes ont des exigences, des préférences ou des refus par rapport à la qualité du sol, selon qu’il est calcaire ou acide, filtrant ou pas, pollué ou pas, etc. Cette lacune est révélatrice d’un manque de culture (sans mauvais jeu de mots) sur les sols, ou pour le moins d’une indifférence à leur structure et leur fonctionnement.
Ce qui vaut pour l’horticulture vaut encore davantage pour les cultures vivrières. Si la Terre doit porter bientôt, comme le prévoient les démographes, 9 milliards d’habitants, la qualité des sols et leur aptitude à l’agriculture pourrait bien devenir une préoccupation majeure. Certains pédologues (spécialistes des sols) s’inquiètent des atteintes répétées sur les sols depuis quelques décennies : pollutions diverses dont les pesticides à hautes doses, déforestation, érosion, urbanisation, irrigation ou drainage mal contrôlés, etc. C’est ainsi près d’un quart des terres utilisables sur la planète qui sont dégradées, sur tous les continents. On compte sur la planète 13,5 milliards ha de terres émergées, dont 22 % peuvent être cultivées, la moitié de celles-ci (3 milliards ha) étant effectivement exploitées.
Alors qu’il va falloir augmenter fortement la production agricole si l’on veut nourrir la plus grande part de l’humanité (nourrir 9 milliards d’hommes relève aujourd’hui du défi quasi insurmontable), la proportion de sol par habitant ne cesse de se réduire. Non renouvelable, ou à une échelle de temps très longue, les sols devraient être considérés comme un patrimoine mondial à protéger.
En France même, chaque année, ce sont 60 000 ha de terres arables qui disparaissent du fait de l’étalement urbain, soit l’équivalent d’un département en 10 ans. Du fait des modifications climatiques, les sols vont être rendus plus fragiles encore : alternance de sécheresses et périodes très pluvieuses qui vont amplifier l’érosion.
Des solutions, au moins partielles, existent et sont déjà mises en œuvre : diminution des intrants et des pesticides, recyclage des débris végétaux, gestion du paysage en hydraulique douce, etc. Mais, comme souvent en matière d’environnement, il faudrait faire davantage et plus vite. Ainsi, résultat global sans doute de cette dégradation, les rendements des cultures plafonnent en Europe, ce qui pourrait s’expliquer par l’appauvrissement en matière organique des sols, constaté sur 45 % des surfaces. Pour nourrir toute l’humanité en 2050, si toutefois cela est possible, il y a urgence à protéger les sols.