Plus jeune, j’ai été fasciné, et effrayé, par Le Meilleur des mondes, le roman d’Aldous Huxley, publié en 1932. Dans cette société de science fiction, à bien des égards reflet de notre actualité, les humains sont tous créés en laboratoire et conditionnés pendant leur enfance afin d’occuper avec satisfaction leur position dans la hiérarchie sociale. Cinq castes sont bien séparées, allant des Alphas les dirigeants, aux Epsilons, conçus pour occuper les fonctions les plus simples. La reproduction est donc artificielle et la sexualité uniquement ludique.
Elle vient d’avoir 33 ans, et bien malgré elle, Louise Brown a peut être ouvert cette ère nouvelle qui s’apparente (jusqu’où ?) au Meilleur des mondes. Louise Brown fut, en effet, le premier « bébé éprouvette » en 1978 ; on dit maintenant une FIV (Fécondation in-vitro). Les choses ont bien évolué depuis : ainsi en 2009 aux Etats-Unis, 87 % des femmes ayant subi une FIV auraient pu avoir un enfant naturellement, mais ont opté pour cette méthode afin… de choisir le sexe du bébé, ce qui est légal aux USA. Dans ce cas seuls les embryons du sexe désiré sont implantés après avoir éliminé ceux qui sont porteurs d’une maladie génétique, tout cela pour un coût total de l’ordre de 25 000 $. Pour que cette pratique ne soit pas accessible seulement aux riches, un projet a été imaginé pour produire une émission de télé-réalité dont les participants sont des familles modestes voulant choisir le sexe de leur enfant. Selon le vote des téléspectateurs, la famille sélectionnée gagne une FIV gratuite ! On pense pouvoir bientôt choisir la couleur des yeux, ou autre. Il existe même des partisans d’un utérus artificiel qui pourrait libérer les femmes des contraintes de la grossesse. Le Meilleur des mondes, on vous dit !
Par ailleurs on nous affirme que les neurosciences vont permettre d’améliorer l’efficacité des messages de santé publique… pour la bonne cause. Dans le même ordre d’idée, le pistage de plus en plus fin des internautes permet déjà d’ajuster les messages publicitaires au profil des destinataires. Plus fort encore, des chercheurs prestigieux de Californie sont convaincus que d’ici 30 ans, les ordinateurs pourvus d’intelligence artificielle seront plus intelligents que leurs créateurs humains et pourront ainsi avoir des sentiments et de l’imagination. Du coup on pourra injecter des ordinateurs microscopiques dans nos veines et régénérer notre cerveau en permanence afin de nous rendre immortels, ou presque. Certains intellectuels américains pensent même que ces humains « augmentés » vont garantir à l’humanité une évolution vers un stade supérieur…
Cette « nature artificielle » pourrait bien compliquer un peu nos relations avec la vraie nature… Ce sera fascinant ou terrifiant Le Meilleur des mondes ?