On le sait maintenant, nous sommes en urgence écologique. Même si tout le monde n’adhère pas encore à cette idée, force est de constater que les preuves s’accumulent tant en ce qui concerne le climat que la biodiversité. Il est sûr que des efforts importants seront nécessaires pour sauver l’Humanité.
Concernant la biodiversité, le nombre d’espèces en péril ne cesse d’augmenter malgré tous les efforts de protection déjà consentis. Hier, on constatait les dégradations et, en réaction, on a pris des mesures pour protéger certains espaces riches en biodiversité ou fragiles. C’est une des vocations des parcs naturels régionaux et nationaux, des réserves naturelles et autres mesures de protection des milieux. Aujourd’hui, à peu de choses près, c’est l’ensemble des milieux naturels qui sont dégradés, à des niveaux différents, et il est donc temps de s’interroger sur la fiabilité des mesures prises. Ne serait-il pas temps d’inverser le raisonnement et considérer, devant l’urgence de la situation, que l’ensemble du territoire doit bénéficier de mesures de protection fortes. Dès lors tout le territoire est protégé et on définit des espaces qui peuvent être aménagés. Ainsi on change complètement la donne en mettant la priorité sur ce qui préserve l’avenir de l’Humanité, plutôt que sur ce qui la détruit. Cette conversion, graduelle, devrait être mûrement réfléchie pour refonder notre conception de l’usage des espaces naturels et repenser totalement l’aménagement.
La logique voudrait que l’on commence ce renversement par les parcs naturels régionaux. Ceux-ci ont fait leurs preuves et il est grand temps que leurs acquis puissent être transposés à l’échelle de toute une région. Ainsi pour la Normandie, c’est toute la région qui mettrait en application les vocations des PNR, bien sûr coordonnées avec les Départements et Communautés de communes. Cette démarche régionale aurait vocation à être étendue à terme à toute l’Europe, puis la planète, rêvons un peu ! Dans un premier temps, les territoires régionaux bénéficieraient de mesures fortes de protection des espèces et espaces en totalité. Ces mesures drastiques, parce qu’il y a urgence vitale, seraient complétées et atténuées par la définition de zones affectées aux activités humaines : habitat, communications, entreprises, etc. en économisant l’espace. Ce renversement prendrait inévitablement beaucoup de temps, c’est pourquoi il faut anticiper dès maintenant.
Utopie ? Oui, bien sûr, dans le contexte actuel, c’est totale utopie… Mais souvenez-vous de René Dumont qui, agronome convaincu par l’agriculture intensive, a pris conscience de son erreur et fait sa propre conversion en préconisant des orientations devenues aujourd’hui assez évidentes (L’utopie ou la mort, 1973). Alors, on refait tout à l’envers ? Chiche !