Beaucoup d’entre nous n’aiment pas les insectes, ces horribles bestioles qui salissent les murs, qui nous piquent et qui endommagent les cultures ! Et vlan, un coup de tapette à la maison ! Et vroum vroum un nouveau traitement sur les cultures !
Et pourtant… les insectes pollinisent les trois quarts des plantes à fleurs, dégradent la matière organique dans les sols, limitent les populations d’autres insectes néfastes et servent de nourriture à de nombreux animaux. Ces insectes sont aussi une composante essentielle de nombreuses chaînes alimentaires et leur déclin explique la régression simultanée des insectivores tels que chauve-souris ou hirondelles. C’est une des raisons de la diminution des oiseaux de l’ordre de 30 % au cours des trente dernières années. Selon les études scientifiques récentes, les populations d’insectes ont régressé de l’ordre de 80 % en Europe depuis vingt ans ! Ces chiffres sont terrifiants, en fonction des conséquences à attendre. La France métropolitaine compte de l’ordre de 40 000 espèces d’insectes et leur régression engendre d’ores et déjà entre 5 et 80 % de perte de productivité, selon les cultures. C’est surtout l’agriculture intensive qui est en cause ici avec la destruction des haies, l’éradication des fleurs sauvages, la monoculture et surtout les pesticides. L’abeille est souvent considérée comme symbole de cette problématique, mais c’est en fait toute l’entomofaune qui est concernée. Les premières alertes à ce sujet ont été données par les apiculteurs dès 1990, mais… avec peu de résultats.
Cette situation est réversible si l’on arrête les plus fortes pressions, à savoir les pertes d’habitats de biodiversité (en lien notamment avec l’urbanisation) et encore une fois les pesticides. Cela prendra du temps du fait de la rémanence de ces produits et du dérèglement du climat, mais on peut tourner le dos aux pesticides en soutenant l’agriculture biologique, ce qui revient à maintenir une surface suffisante (de l’ordre de 10%) d’infrastructures agroécologiques, comme les prairies et les haies, et en revoyant les procédés de cultures. Alors qu’en France, ce débat paraît inextricable, certains de nos voisins, comme les Danois, y sont parvenus en réduisant les excédents d’azote dans les sols de moitié en trente ans, par exemple. D’autres pays ont réussi à réduire durablement l’utilisation de pesticides et engrais chimiques. Pour cela il faut que les agriculteurs soient accompagnés dans cette transition, par les politiques publiques bien sûr (en régulant la production des intrants agricoles moins nocifs et en recherchant des alternatives), mais aussi par les consommateurs en privilégiant dans leurs achats des produits moins dommageables, ce qui suppose une information plus neutre et objective.
Il paraît assez improbable qu’en France, on soit sur cette voie quand le gouvernement vient d’amputer le budget de l’Agence Bio des 2/3, en raison… de la faible demande de produits biologiques. C’était précisément le but de cette Agence que de susciter la demande, après le Grenelle de l’Environnement de 2007 qui avait fixé un objectif de 20 % de la surface agricole en bio pour 2020. En 2023, on était à 10 %… Donc on continue avec l’agriculture intensive très largement majoritaire, on continue à apporter des engrais chimiques et pesticides en quantités non négligeables, on réduit ainsi l’entomofaune et l’avifaune… Espérons un revirement pour ne pas induire des réductions catastrophiques des rendements agricoles avec des pénuries alimentaires. Et là ça pourrait piquer fort !